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Critique de Eve-Yeshe


J'ai terminé ce roman, il y a quelques jours et même si le thème m'a plu car il est hélas d'actualité, je reste mitigée ; j'ai bataillé pour rédiger ma critique, oscillant entre des réactions contradictoires…

Tout d'abord, les protagonistes sont vraiment caricaturaux : on a en gros les édiles : l'Instituteur, objecteur de conscience, le Maire corrompu, le Médecin qui cautionne, le Curé qui ne croit plus en rien, l'ancienne institutrice revêche qui ne supporte pas d'avoir céder son poste, des pêcheurs sans scrupules, sans oublier l'idiot du village… On note au passage que les villageois sont présentés comme des rustres !

Je sais que tous les moyens sont bons pour établir son pouvoir mais quand on voit jusqu'où peut aller le maire du village pour satisfaire ses propres besoins et ambitions, on reste sans voix. Seul compte pour lui son projet de thermes et le fric qui va avec, alors on assiste à des manipulations en tous genres, le tout nappé d'une bonne dose de délation, de calomnies, pour aboutir au procès truqué de l'instituteur accusé de viol sur une élève : c'était le seul habitant du village à ne pas être natif de l'île donc un Étranger, la pièce à sacrifier…

« Vous avez compris ma pensée, reprit le maire, et vous savez bien que je ne suis ni un salaud ni un homme dénué de coeur. Mais, ce n'est pas moi qui ai crée la misère du monde, et ce n'est pas à moi seul non plus de l'éponger. » P 55

Ce roman m'a rappelé bien sûr, les grands mythes sacrificiels, Antigone, Iphigénie … que ne ferait-on pas pour s'attirer la clémence des Dieux et justifier les bassesses ?

Comment réagir après ce qui est arrivé à l'Instituteur ? Ce n'est pas si simple, le Médecin par exemple sent en permanence une odeur de pourriture qui émane de lui et qui ne semble pas perturber les autres, la mauvaise conscience, la culpabilité s'infiltrent dans sa pensée : « L'oeil était dans la tombe et regardait Caïn »

On retombe à nouveau sur les grands mythes : le supplice de Prométhée dont le foie repousse au fur et à mesure que l'aigle le lui dévore) ou le mythe de Sisyphe qui remonte un rocher qui toujours redescend…

En fait, on peut prendre tout ce récit au premier, au deuxième ou même au ixième degré tant les allusions sont constantes.

En tout cas, c'est une île qui porte bien son nom : ses habitants se comportant comme des chiens (je présente mes excuses à mes amis les chiens, car l'idée d'associer cet animal à la méchanceté me hérisse, mais c'est une expression courante, comme traiter les hommes de cochons d'ailleurs). Cette île est noire car un volcan, le Brau, se manifeste régulièrement, noire tout comme l'âme des habitants…

Philippe Claudel s'érige en donneur de leçon, fustige le comportement des passeurs, la lâcheté des habitants de l'île vis-à-vis des migrants qu'on laisse mourir comme des chiens sur la plage, tente de culpabiliser le lecteur au passage. En fait, en caricaturant et fustigeant de cette manière, il pousse ceux qui se sentent impuissants devant le drame des migrants et l'arrogance des Occidentaux, à se culpabiliser davantage encore, alors que ceux qui vivent des trafics ou ceux qui rejettent les Étrangers, resteront indifférents…

J'aime beaucoup Philippe Claudel, mais ce roman m'a hérissée à force d'être caricatural, et cette lecture m'a soulevé le coeur presque du début à la fin. Il va en rester une frustration, une impuissance renforcée et je ne vois pas ce qu'il a tenté de prouver au fond, à part pousser un grand cri de colère…

Je trouve ce roman clivant et je pense que les avis vont faire le grand écart : il sera encensé ou rejeté…
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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