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Critique de latina


Trois hommes morts, échoués sur la grève d'une île quelconque, même pas belle.
Trois hommes noirs, venant d'un ailleurs où la vie est de toute façon moins belle.
Trois migrants, rejetés par les vagues, aux yeux blancs.
Trois poids morts, dont il faut coûte que coûte se débarrasser !
C'est que le Maire n'en veut pas. Ils nuiront à l'image de l'île ! Les (im)probables touristes fuiraient cet endroit maudit !

Et la machine du rejet, du déni se met en marche.
Cela démarre donc comme cela, presque banalement. Oui, j'ose le dire, banalement, car qui de nos jours n'a jamais vu ces pauvres corps délestés de leurs rêves couchés sur une plage ou l'autre du Sud, au journal télévisé ?
Ce début semblait si banal, ces personnages de l'île étaient tellement typés, tellement « personnages de fable » que j'allais finir par m'ennuyer.

Et puis la machine du déni s'enraye.
Il faut dire qu'un pur, l'Instituteur, s'en est mêlé. Il a voulu vérifier, tenter des expériences, calculer. Quoi ? Je ne vous en dirai pas plus. Car l'arrivée du Commissaire précipite les choses...et nous entrons alors dans le vif du sujet, dans le vif de l'humain. Les stéréotypes se déchirent, la face intime se dévoile. le méchant éprouve de la répugnance à exercer son méfait, le pur ne réfléchit pas et fonce. Et paradoxalement, l'individuel atteint l'universel.

Philippe Claudel signe ici une analyse caustique de l'espèce humaine, analyse dans laquelle nous nous reconnaissons, ou du moins, nous reconnaissons certains autres, car il est bien évident que nous, nous n'avons rien à nous reprocher, n'est-ce pas ?
Les trois corps des migrants ne sont qu'un prétexte à cette analyse car ce n'est pas ce problème qui est mis en scène, ce sont plutôt les réactions de tout un chacun face à cela, ainsi que la réaction face au mal, au pire de l'espèce humaine. Que ce soit en décrivant un phénomène de foule ou différentes réactions individuelles, Claudel nous met à plat face au mal.

Cynisme, sentiment de culpabilité, bêtise, honte, cupidité, remords...tout y passe.
Et la poésie s'en mêle. Qu'il écrit bien, Claudel ! Quelle force de l'expression, quelle puissance dans les images ! J'adore !
Lorsque j'ai refermé ce livre, j'ai réfléchi. Sur moi, sur l'espèce humaine, oui, rien que ça !
Je me dis que sous notre apparence simple, nous sommes compliqués.
Et je me dis que sous notre apparence compliquée, nous sommes simples.
Vous ne me comprenez pas ? Rendez-vous sur l'Archipel du Chien !
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