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Critique de adtraviata


Le sujet est loin de me déplaire ou de me faire peur. A la cinquantaine bien sonnée, un homme (narrateur qui restera anonyme, selon le choix de l'auteur) revisite sa vie, ses amours, son travail ou plutôt sa création de cinéaste, tout ce qui nourrit cette vie d'artiste, à la lumière de l'amitié d'Eugène, son producteur, mort d'un cancer deux ans auparavant. Ce décès est l'occasion d'une méditation sur l'amitié, sur l'irruption de la mort dans la vie, sur la manière dont chacun appréhende cette réalité, par le déni, la fuite, l'acceptation, l'angoisse ou l'apprivoisement progressif. Tout au long de son récit, notre narrateur est confronté à cette question à travers d'autres expériences, d'autres facettes comme celle de sa mère qui, déjà retirée de la vie, s'éteint peu à peu dans une maison de retraite, ou celle d'un enfant mort-né.

Cette méditation, cette relecture, Philippe Claudel la mène à la façon d'un cinéaste (ce qu'il est aussi), avec des retours en arrière, des zooms sur des moments ou des visages précis, des descriptions très cinématographiques de certaines situations (comme ce qu'il voit à travers les fenêtres de sa voisine d'en face). le propos est clair et élégant, la réflexion est profonde, humaniste, le parcours du deuil de l'ami trop tôt disparu est pudique et digne. L'image de l'arbre du pays Toraja, tradition indonésienne, est belle : les vivants, « ceux qui restent », continuent à grandir en englobant dans leurs racines et leurs branchages le souvenir vivant des disparus.

Mon bémol ou ma perplexité ? C'est que, ayant entendu Philippe Claudel parler de son livre (pour une fois que je suivais un peu l'actualité littéraire à la télé), j'ai sans cesse eu à l'esprit la situation réelle, la part d'autobiographie du livre, c'est-à-dire la douleur pour Philippe Claudel d'avoir perdu son ami et éditeur, Jean-Marc Roberts, et que, même en ayant bien conscience du travail de relecture, de distance, de recomposition (« Vivre, en quelque sorte, c'est savoir survivre et recomposer »), j'avais du mal à accepter l'étiquette de « roman » apposée sur la couverture (très jolie et paisible au demeurant). Les amateurs ou connaisseurs d'auto-fiction ne seront sans doute pas ennuyés par la chose, moi cela m'a un peu gênée aux entournures. Ceci dit, je me suis fait la réflexion que Philippe Claudel a beau aborder sereinement cette présence grandissante de la mort dans la vie à mesure que l'on avance en âge, il n'en garde pas moins une certaine angoisse ; cette vision romancée de son histoire est sans doute un des derniers masques qu'il veut garder, qu'il s'autorise pour conjurer cette peur bien naturelle de la mort.
Lien : http://desmotsetdesnotes.wor..
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