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Critique de tiben


tiben
28 décembre 2015
Dans "l'arbre du pays Toraja", son dernier roman à la superbe couverture publié dans les prochains jours, Philippe Claudel nous offre une magistrale leçon de philosophie sur la vie, la mort, le deuil.

"Depuis quelques années, la mort m'encercle. Elle cherche à m'enclore. A s'approcher au plus près de moi. Afin de me tâter un peu. Pour me faire comprendre que je vieillis? Qu'il faut que je m'attende à elle? Que le match a commencé alors que je n'ai pas encore l'impression qu'on m'ait tiré des vestiaires?"

Dès les premières pages, Philippe Claudel nous explique le titre plutôt énigmatique au premier abord de son dernier opus et pose très clairement le sujet de ce dernier. Ce sera sombre, noir, mélancolique comme souvent avec lui.

"Près d'un village du pays Toraja, situé dans une clairière, on m'a fait voir un arbre particulier. Remarquable et majestueux, il se dresse dans la forêt à quelques centaines de mètres en contrebas des maisons. C'est une sépulture réservée aux très jeunes enfants venant à mourir au cours des premiers mois. Une cavité est sculpte à même le tronc de l'arbre. On y dépose le petit mort emmailloté d'un linceul. On ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l'arbre se referme, gardant le corps de l'enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. Alors peu à peu, commence le voyage qui le fait monter vers les cieux, au rythme patient de la croissance de l'arbre."

Le narrateur est un cinéaste travaillant sur un scénario de film, la fabrique intérieure. Il est confronté à la mort brutale de son meilleur ami et réalisateur, Eugène, suite à un cancer. Vieillissant lui-même, il se remémore ses souvenirs dans un récit libre dans sa forme, dans son agencement et dans son déroulé comme il le définit lui-même. Il use (et abuse si judicieusement) de métaphores autour de l'arbre du pays Toraja.

En mélangeant tous les temps de conjugaison, il évoque le passé et le présent: les deux magnifiques femmes de sa vie, le temps qui passe, les enfants qui grandissent, des êtres qui nous quittent, le chagrin, les interrogations et autres doutes... Quelques grandes figures sont invitées dans le récit: Milan Kundera, Jean Luc Godard, Michel Piccoli. Ce sont des illuminations, des étoiles qui brillent au milieu de la noirceur, mais également des réponses.

"Poursuivre sa vie quand autour de soi s'effacent les figures et les présences revient à redéfinir constamment un ordre que le chaos de la mort bouleverse à chaque phase du jeu. Vivre, en quelque sorte, c'est savoir survivre et recomposer"

L'écriture est somptueuse, très forte et très évocatrice. Les phrases sont souvent longues mais si fluides à la lecture, si chantantes et puissantes à haute voix. On retrouve avec un plaisir non dissimulé les caractéristiques du style de Philippe Claudel. C'est un vrai régal (j'ai dévoré le livre). Même si les sujets évoqués sont terriblement tristes et durs, la fin (le début du tournage de la fabrique intérieure malgré la disparition de Eugène) et la conclusion (les dernières phrases sont très émouvantes) sont un hymne à la vie, cette volonté miraculeuse de survivre.

"Il me semble désormais que je n'aurai plus d'autre âge que le sien, et qu'oubliant mes maux et mes hésitations, mes erreurs, mes blessures, je serai tout à elle, afin qu'elle puisse vivre, aimer, rire, s'éblouir et grandir jusqu'au ciel"

C'est à nouveau un grand roman que nous propose Philippe Claudel. Je l'ai particulièrement apprécié et ne peux que vous le conseiller. Je ne doute pas qu'il en sera de même pour vous.

4,5 / 5

Lien : http://alombredunoyer.com/20..
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