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Critique de motspourmots


"La plupart des hommes ne soupçonnent pas chez eux la part sombre que pourtant tous ils possèdent. Ce sont souvent les circonstances qui les révèlent, guerres, famines, catastrophes, révolutions, génocides. Alors quand ils la contemplent pour la première fois, dans le secret de leur conscience, ils en sont horrifiés et ils frissonnent."

C'est à une démonstration implacable que se livre Philippe Claudel dans cet Archipel du chien, totalement inventé et pourtant si familier à nos yeux et à nos oreilles, un lieu que l'on devine méditerranéen. Une seule île y est habitée, un endroit isolé, une sorte de vase clos que seule une liaison hebdomadaire de ferry relie au vaste monde. Un volcan, des habitations classées au patrimoine de l'humanité, des vignes, des oliviers et des pêcheurs. Des vies simples et calmes en apparence. Jusqu'au jour où trois cadavres d'hommes noirs sont retrouvés échoués sur la plage. Qui sont-ils, que s'est-il passé ? le Maire, inquiet pour le projet gigantesque qui pourrait développer le tourisme et l'économie de l'île décide de cacher l'événement et de faire disparaître les corps avec la complicité des trois témoins à l'origine de la découverte. La démonstration peut commencer...

Car ici, sur ce caillou brûlé par le soleil, secoué par les vents et les spasmes du volcan, c'est un spécimen de l'humanité qui s'apprête à entrer en représentation afin de nous tendre un miroir et nous dire - regardez-vous, oui, vous... c'est ainsi que vous vous comportez, qui que vous soyez et où que vous habitiez. La cupidité, l'égoïsme, l'injustice, la lâcheté. Voici ce qui se reflète au fur et à mesure que l'on avance dans l'histoire, au fil d'une intrigue tenue qui déploie habilement toute son intensité dramatique. Et dont la forme, très dépouillée amplifie la puissance. Les habitants n'ont pas de noms, ils n'ont que des fonctions. A chaque lecteur de projeter sur eux son propre vécu, réel ou imaginaire.

L'ombre de l'actualité plane sur ce roman, celle des migrants et celle des mafias. L'écrin choisi par le romancier n'est pas anodin, comme ce volcan dont il fait un personnage très présent, dont on sent la puissance et l'envie d'engloutir ce petit monde trop perverti. Si les personnages n'ont pas de noms, la nature, elle, explose par tous les sens rappelant ainsi à l'homme sa condition minuscule malgré sa propension à faire le mal.

Démonstration implacable, oui. Constat pessimiste qui va jusqu'à celui de l'échec de la littérature à inspirer les hommes... Celui-ci on le laissera dans la bouche du personnage le plus féroce de l'histoire et on se permettra d'espérer le contraire, que les livres pourraient peut-être influencer en bien l'humanité. Sinon à quoi ça sert que Philippe Claudel se décarcasse ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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