Sa théorie, c’était que les hommes n’étaient pas libres de leurs pensées car ils avaient été éduqués de manière totalitaire. Enfants, on nous avait appris que certaines choses étaient mal sans nous expliquer pourquoi. Nos cerveaux l’avaient enregistré et jamais nous ne nous étions posé la moindre question sur le bien-fondé de ces acquis. De plus, nous ne savions pas profiter de nos vies et nous n’agissions jamais sans nous préoccuper de ce qu’il adviendrait si nous passions outre ce que notre raison ou notre conscience nous dictait. Il pensait qu’un être humain ne devait pas gamberger et ne devait songer qu’à lui, et que son court passage sur Terre serait inutile si l’influence de l’environnement était trop forte pour qu’il agisse de lui-même.
Notre société est régie par des lois qui régulent les comportements des hommes. Les outrepasser en connaissance de cause fait de nous des êtres déviants. À l’âge où la raison et l’éthique personnelle ne sont pas encore matérialisées au niveau spirituel, accepter le fait d’agir selon sa guise et ne pas se soucier des contraintes inhérentes à nos conditions d’êtres vivants entourés d’êtres vivants est dangereux.
Notre culture était vaste, nous buvions tout. Pastis, vodka, porto, tequila, gin, whisky, rhum, Cinzano, bière brune, bière blanche, bière rousse, bière multicolore, Bourgogne, Beaujolais, Bordeaux, Côtes-du-rhône, grosse piquette… Prince et moi buvions tout ! Prince et moi régurgitions tout.
Lorsqu’un homme a besoin de parler, il ne faut pas qu’il prenne un rendez-vous. Tous les grands aveux sont spontanés, sans préparation.
Notre civilisation utilise aujourd’hui avec parcimonie les termes d’anarchie et de cynisme. Pourtant, les théories des principaux philosophes de ces deux millénaires ont toujours traité de ces sujets. Serait-il possible de vivre dans un monde où les hommes agiraient selon leurs propres désirs sans se soucier d’une morale commune qui dicterait les comportements qu’ils devraient adopter ? Certes non. Pourtant, si un essaim réduit d’individus parvenait à faire abstraction des normes inconscientes qu’on a introduites dans leur vision générale de l’existence, alors ces êtres pourraient être exceptionnels. Ils pourraient accomplir ce que toute entité cherche à connaître : la liberté des sens et des actes.
Imaginez un être dénué de scrupules, un être qui ne connaîtrait ni le remords ni l’hésitation. Un être… qui ne serait soumis à aucune morale, qui n’assumerait que ses propres lois, règlements et normes – mais attention, pas un psychopathe. Admettons que cet être ait accepté le fait que tout élément ou acte que l’on qualifie d’ignoble ou d’inhumain ne l’est que si l’éducation ou l’héritage intellectuel qu’il a reçu clame que son action est ignoble ou inhumaine. Si cet individu est parvenu à désapprendre ces préceptes et que sa propre morale ne lui interdit pas d’adopter une attitude déviante, alors ses écarts comportementaux ne le seront plus au regard de sa philosophie, de sa religion, de ses normes personnelles. Tuer, est-ce mal ? Oui si l’on croit que c’est mal. Non dans les autres cas. Ce n’est pas de l’égoïsme de ne penser qu’à soi métaphysiquement parlant. Notre passage sur Terre nous concerne au niveau individuel.
Tuer, est-ce mal ? La morale occidentale l’affirme. Mais pourquoi est-ce mal ? Nous sommes là pour passer quelques années sur Terre. Ces quelques années ne sont que poussière par rapport à l’éternité. Les hommes préhistoriques pensaient-ils que tuer était mal ? Si la réponse est non, alors notre si jeune civilisation n’est pas celle qui a prédominé au vu de l’histoire. Si nous ne sommes là que pour un simple et court voyage, pourquoi s’embarrasser de préceptes qui nous empêchent de vivre pleinement notre existence ?
Et à quoi servent la morale, l’éthique, le remords si ce n’est à nous fomenter une ligne de conduite. Pourquoi doit-on être bon ? Parce qu’on nous a dit qu’il le fallait ? Parce que notre éducation chrétienne proclame qu’il faut aider son prochain ? Si nous étions capables de tout oublier, de désapprendre les normes qu’on nous a inculquées de force, nous agirions de manière différente, nous serions vraiment libres.