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Critique de si-bemol


Avec « Belle Amie », Harold Cobert s'est lancé un pari littéraire ambitieux et a priori un peu fou : écrire une suite au « Bel Ami » De Maupassant. le roman de Cobert s'ouvre là où s'achève celui De Maupassant : Georges du Roy, petit provincial parti de rien, monstre d'ambition dénué de tout sens moral, a gravi à grande vitesse les échelons de la réussite professionnelle et sociale en exploitant toutes ses relations – notamment féminines – avant de les sacrifier sans le moindre remords sur l'autel de ses intérêts.

A la fin du texte De Maupassant, nous quittons un Georges du Roy en plein essor, le regard fixé sur un avenir, désormais politique, qu'avec son assurance et son cynisme il imagine déjà triomphal. Harold Cobert, dans son « Belle Amie », imagine la suite et l'avenir – dix ans plus tard - de ce personnage qui n'a, chez Maupassant, jamais dû payer le prix de son amoralité, de ses trahisons, de son cynisme et de sa cruauté : grandeur et décadence, la chute de du Roy, fomentée avec une habileté diabolique, sera-t-elle enfin la juste « récompense » à tant de perversité ?

Harold Cobert s'essaye dans son roman à un triple exercice pour le moins périlleux : exercice de style, d'abord, dans un « à la manière de » Maupassant qui ne soit ni artificiel ni pompeux mais au contraire incisif et fluide comme l'est l'original ; exercice de cohérence narrative, ensuite, où il s'est agi de construire une intrigue compatible avec le récit antérieur auquel elle offre une possible suite logique tout en respectant la personnalité et la psychologie des personnages ; le tout au fil d'une histoire suffisamment puissante pour emporter l'adhésion du lecteur familier de celle De Maupassant et ne pas le décevoir.

Avec ce roman, pour lequel il a certainement dû effectuer un travail de recherche considérable, Harold Cobert a su restituer à merveille l'atmosphère propre à l'univers De Maupassant ainsi que le Paris du XIXe siècle finissant et les intrigues malodorantes d'un monde politique corrompu, cynique et profondément amoral. J'ai trouvé le style séduisant et le scénario élaboré ici par Cobert intéressant, crédible et cohérent au regard du texte De Maupassant. Quant à sa construction, originale et intelligente, qui reprend par fragments des extraits du roman original pour les mettre habilement en abyme, elle m'a également beaucoup intéressée.

Reste que, plus qu'un livre inoubliable, ce roman m'est surtout apparu comme une prouesse littéraire très réussie qui m'a par ailleurs offert un bon moment de lecture. Certains se sont interrogés quant à l'intérêt de « prolonger » un roman ayant déjà, en l'espèce, l'exemplarité du chef-d'oeuvre… et la question est, en effet, ouverte. Car malgré toutes ses qualités et les efforts de son auteur, et même s'il est indéniablement talentueux et tout à fait digne d'intérêt, le « Belle Amie » d'Harold Cobert relève surtout, à mes yeux, du jeu littéraire… et ne joue pas tout à fait dans la même cour que son illustre modèle, l'imitation étant (même lorsqu'elle est, comme ici, de belle facture) toujours impuissante à reproduire le souffle et l'inspiration d'une oeuvre originale.
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