Pour me changer les idées, je laissais bouillonner en moi une marmite remplie de mots, de sentiments et d’émotions, mélange de couleurs, noms, odeurs, amour, points d’exclamation, destinée, aventure, saveurs, passion, images, présent, solitude, futur et points de suspension.
Pendant ces nuits solitaires, devant mon poste à lampe, des mots se frayaient un chemin jusqu’à ma plume, formaient des phrases, composaient des paragraphes sur mon cahier de souvenirs ou donnaient naissance à ces lettres qui partaient vers toi.
Ton besoin de naviguer était surprenant et ton ignorance, renversante. D’un autre côté, comment pouvais-tu savoir à quoi t’en tenir, toi qui n’avais jamais quitté la région ? Le rôle que je pouvais jouer dans ta vie m’apparaissait. Ce serait à moi de t’expliquer la fatigue et la vanité d’une existence passée à défier l’horizon. À moi de te persuader que cette chose précieuse qui comblerait ce manque et donnerait un nom à ton attente, ce serait l’amour d’un homme. Le mien.
Nous disposions de tels espaces de temps. Trop peu pour nous rebeller contre l’absurdité de notre vie. Mais assez pour le gaspiller et vivre pour rien.
Le coin de mes yeux brûlait. Autour de moi, dans le wagon, les gens devaient penser que je ne me comportais pas en homme. C’était juste le contraire. Plus on devenait homme, plus on donnait libre cours à son émotion, sans se soucier du regard des autres.
La Méditerranée, toute-puissante, dessinait le relief, creusait les vallées, soulevait des masses d’eau. Elle nous imposait son rythme, nous projetait sur des crêtes, nous versait dans ses gouffres. Elle effaçait notre route, nous emplissait de doutes. Elle se jouait de nous. J’admirais, presque autant que je détestais, son âme profonde et noire.
Ton besoin de naviguer était surprenant et ton ignorance, renversante. D’un autre côté, comment pouvais-tu savoir à quoi t’en tenir, toi qui n’avais jamais quitté la région ? Le rôle que je pouvais jouer dans ta vie m’apparaissait. Ce serait à moi de t’expliquer la fatigue et la vanité d’une existence passée à défier l’horizon. À moi de te persuader que cette chose précieuse qui comblerait ce manque et donnerait un nom à ton attente, ce serait l’amour d’un homme. Le mien.