En baver, trimer, rater et recommencer, tomber et se relever, ça te forge le mental.
Tu fais l'essai, t'es transformé.
L’échauffement est bien rythmé, on est très soudés, très proches les uns des autres, ça cogne, ça collisionne, ça serre les bras, ça lutte debout, ça corps à corps, ça cœur à cœur, ça souffle, ça transpire. Les corps se mêlent, se frictionnent, dégagent de la chaleur. L’odeur du camphre, de la sueur, du Dolpic et la température qui grimpe, tout ça mélangé aux clameurs du coach crée une atmosphère irréelle. J’ai la tête qui tourne. La sueur coule dans mes yeux. Maxime m’attrape aux épaules et me met un coup de poitrine en plein thorax, ça me secoue... je lui renvoie le même en plus fort. Il m’agrippe, me serre et me dit à l’oreille :
— Jéjé, faut pas que ce soit le dernier, emmène-nous Jéjé ! On est des frères, c’est la famille, la vraie. Moi si on perd, je ne rentre pas à Paris ! Je ne reprends pas le car ! Je ne remets même plus les pieds au collège. J’ai trop besoin de cette victoire, t’as compris ? Trop besoin !
Je comprends le message. Il me fait peur. On a certains copains là, des frères presque, c’est leur seul moment de réussite et d’espoir. Ça prend une dimension… je m’entends crier avec l’impression que ce n’est pas moi :
— Allez les frangins, tous en cercle ! Coup d’envoi dans huit minutes. On est prêts. C’est eux ou nous ! Mais nous, on ne peut pas perdre parce qu’on est des frangins et qu’on marche ensemble ! Alors on va se le gagner ce match. C’est pas la guerre mais on ne lâche rien, rien de
rien !
Le cercle bouge, se déplace, tangue. Les bras sont serrés, les doigts crispés, les muscles contractés.
Il y a de l’énergie qui passe.
Plus personne ne parle. Souffle et inspiration, il n’y a plus qu’une respiration. J’entends un cœur qui bat : c’est celui du groupe, de l’équipe, de la famille. Un seul cœur pour tous.