À l'époque où je vous élevais seule, je vous regardais tous les deux - cela fait écho à ta remarque sur la force - et il ne faisait aucun doute pour moi que vous n'en manquiez pas. Je crois que dans ton cas, j'ai compté très tôt là-dessus parce que c'était ma seule force qui me permettait de tenir, j'ignorais que sans la vulnérabilité, la douceur et l'amour, la force est vaine et paralysante.
J'avais besoin de tout ce temps, de toute cette solitude, de toute cette peur et de cette richesse, de ce chagrin, de ce choc, et de tout le reste. Rien de tout ça n'était vain car c'est seulement ainsi, en faisant tomber une couche après l'autre, puis en perdant pied pour en faire tomber une autre, que je me suis trouvée et que j'ai découvert en moi une très gentille femme...
Quand les gens me disent : "Tu ne te vois pas comme une femme de couleur ! Tu ne te souviens jamais que tu es noire ? ", cela m'interpelle. Je m'en remets à mon journal et consacre des pages à me rappeler que je suis une femme de couleur.
In "Dérobade", Journal d'une femme noire, Kathleen Collins