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Critique de hannah851


"Passion et repentir" raconte le combat incessant et vain de Mercy Merrick pour retrouver sa place dans la société victorienne. Toutes ses tentatives se soldent malheureusement par des échecs. La cause? Un passé entaché par des actes que la société anglaise condamne irrévocablement n'accordant aucune valeur au repentir.

Quand se présente une chance de pouvoir changer d'identité pour obtenir une vie meilleure pourquoi alors ne pas la saisir? C'est ce que Mercy Merrick fait en usurpant l'identité de Grace Roseberry, une jeune anglaise qu'elle rencontre sur le front franco-prussien alors qu'elle est infirmière de la Croix-Rouge. Celle-ci devenue orpheline part rejoindre une lointaine parente à Londres, Lady Janet Roy, pour devenir sa dame de compagnie. Un obus cependant arrête son voyage et fait prendre un nouveau chemin à Mercy. Si l'adaptation à sa nouvelle vie sous le nom de Grace Roseberry se fait sans trop de difficultés, Mercy éprouve des moments de remords et une certaine réticence à finaliser ses fiançailles avec Horace Holmcroft jusqu'à ce qu'un évènement vienne tout perturber...

Avec le talent de conteur et de fin analyste de la personnalité humaine qu'on lui connaît, William Wilkie Collins dresse ici le portrait d'une Marie-Madeleine de l'époque victorienne affrontant tout ce que la société de ses contemporains possède de plus cruel et absurbe. Pourquoi une société dite chrétienne bafoue-t-elle ses valeurs en ne donnant aucune chance de rédemption aux femmes que la vie n'a pas épargnée? Par l'intermédiaire du personnage du pasteur Julian Gray démontre l'irréconciliable fracture entre les valeurs prônées par la société victorienne et celles de l'Eglise.

La force de l'écriture de l'auteur se révèle page après page dans les sentiments que le lecteur peut éprouver à l'égard du personnage de Mercy. Alors que l'usurpation de l'identité de Grace aurait pu nous choquer ou nous rendre peu enclin à lui trouver des circonstances atténuantes, la prouesse de l'auteur est de nous faire ressentir à son égard que compassion et bienveillance. Pour arriver à ses fins, Wilkie Collins défend les qualités de Mercy tant morales que physiques mais aussi son attitude humble et repentante qu'il oppose à l'absence de compassion d'une Grace Roseberry qui par son attitude incarne métaphoriquement tout ce qu'il critique dans la société victorienne. Il s'ingénie à montrer la supériorité morale de Mercy et dénonce tout au long du roman le fait que la naissance dans cette société prime sur les qualités morales. Les décisions que le personnage d'Horace Holmcroft prendra démontre cet aveuglement de la bonne société qui juge sans complaisance alors qu'elle a sa part de responsabilité dans la déchéance de ces femmes. Ce thème de la pécheresse repentie est courant dans la littérature victorienne puisqu'on peut le retrouver aussi chez Elizabeth Gaskell dans "Ruth".

Avec ce roman, l'auteur fait découvrir sa passion pour le théâtre en construisant le roman comme un huit-clos en deux actes que composent les tableaux. L'intrigue bien ficelée comme dans tous ses romans nous tient en haleine jusqu'au bout. Chaque chapitre apporte son lot de coups de théâtres avec des sorties minutieusement construites pour laisser le lecteur sur sa fin à moins qu'il n'enchaîne avec le chapitre suivant.

L'épilogue prend la forme du roman épistolaire et du journal intime pour nous offrir une fin en demi-teinte qui témoigne de la clairvoyance et la dureté de jugement de l'auteur sur l'état sclérosé de la société victorienne dont il ne faut plus rien attendre.

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