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Critique de Soukiang


Ne vous fiez pas à son visage doux dans le trombinoscope des groupes de lectures ou la présentation de sa biographie, derrière cette image se cache une lectrice et une chroniqueuse de talent, son genre de prédilection reste le thriller, de là à passer à l'écriture il n'y avait qu'un pas et c'est chose faite depuis quelques jours, mettre en gestation mille et un scénarios dans sa tête, au fil des saisons, au fil des centaines de pages noircies, imaginez son propre thriller, celui que l'on dit communément vouloir lire, cela est valable pour les films, être fier de pouvoir les montrer ou dans le cas présent, le faire lire à ses proches, un jour, de ces histoires capables de vous donner le tournis, de vous faire mordre la poussière, de vous pousser dans vos derniers retranchements, de ces moments de stress permanent, comme si le monde se liguait contre vous, comme la terre entière en voudrait à votre bonheur, le temps de tourner le dos et vous voilà dans de beaux draps, dans cette spirale dont vous finissez par ne plus en voir le bout tellement l'horizon s'assombrit de jour en jour, fini les rêves et l'amour inscrit dans la douceur et la fusion des corps en émulsion, dans cette alchimie des sentiments synchrones, rien ne semble vouloir arrêter la marche du temps jusqu'à ...

Dans cette fragrance et délicieuse portée du nectar entêtant, il est des situations inextricables, de ces tensions galopantes, de cette adrénaline qui fouette le cerveau ou vous fait ronger la peau jusqu'au sang, l'impuissance de contrer les moqueries du diable en personne, de cette perversité insondable et manipulatrice, les fréquentations douteuses et néfastes capables de vous faire douter de tout, de vous faire prendre des chemins détournés pour goûter à l'interdit, à tous les tabous qu'on aurait jamais imaginés mêmes dans ses plus grands délires, l'auteure dresse le portrait d'une femme moderne et amoureuse, la vie sourit de ses plus belles dents, de faire paraître ses plus beaux atours et la promesse d'un avenir radieux que rien ne semble pouvoir entraver.

Il aura suffit d'un de ces tours passe-passe de destin, si l'on croit en Dieu, si l'on croit en des signes révélateurs, comme le dicton, trop beau pour être vrai, si certains couples échappent aux griffes acérées, d'autres comme Elodie et Tony vont connaître une autre version, le style et l'écriture se veulent directes, sans fioritures, dans un langage presque familier, le choix de la narration à la première personne pour en respirer toutes les petites nuances et contrariétés du quotidien, pierre par pierre, à chaque jour ses petits bonheurs auxquels vient s'ajouter des nuages inquiétants, des soupçons qui prendront des dimensions graduelles, des mystères comme des bourdonnements d'abord lointains avant de sentir progressivement le roussi, l'angoisse et le malaise s'invitant alors dans la danse.

A la vie, à la mort ...

Le sentiment étrange d'une lecture qui paraît anodine dans des thématiques connues ou déjà vues, ce qui prime dans ce premier roman auto-édité, la volonté de l'auteure de proposer un conte de fée moderne tournant au cauchemar, c'est d'éviter le piège de la facilité, de prendre des raccourcis déjà tirés à la corde par d'autres thrillers, de jouer la carte de la sincérité des jeux troubles et de la machination à l'oeuvre, ne vous fiez pas aux apparences, si la plume est addictive pour se laisser porter par les protagonistes, si les rebondissements sont judicieusement placés dans la construction alternant passé et présent, si la trame va évoluer dans un cercle vicieux et parfois dérangeant, force est de constater que le meilleur est à venir, de sombres pans du passé des personnages vont commencer à fissurer la glace jusque là relativement intacte, les risques des dérives sont proportionnelles à cette menace qui pèse sur Elodie, un personnage fort et ancré dans le paysage contemporain, une âme sensible et fragilisée par les épreuves de la vie, quand tout s'écroule du jour au lendemain, quel choix reste-t-il pour continuer et espérer voir le bout du tunnel ?

Quand les couleurs de l'arc-en-ciel se mue dans les tons gris et monochromes d'une longue chute sans fin, vertigineux, estomaquant, quand le style généreux fait resurgir le spectre d'un autre personnage que j'affectionne particulièrement, Marianne dans Meurtre pour rédemption de Karine Giebel, une forme d'hommage avec sa propre vision d'une société et d'une justice à deux visages, cette machine à broyer des innocents, la peur et le désarroi devant l'implacable aveuglement des instances et des autorités policières, l'affaire Patrick Dils pour ne pas le citer, Les larmes de l'ombre ne se contente pas de reprendre des idées et de remodeler à sa sauce dans un autre langage fleuri avec des rythmes décalés pour se tomber dans le panneau, le potentiel est là, l'auteure dispose d'une bonne marge de manoeuvre pour accoucher d'un autre roman qui sera encore plus abouti, elle le précise d'emblée, quelques coquilles, quelques petites simplifications dans certaines procédures administratives ou judiciaires, l'important est ailleurs, comme le journal de bord, le cahier intime d'une guerrière qui fera tout pour faire éclater la vérité, dans sa folie destructive et contagieuse pour lutter contre ses ennemis, puiser dans ses ressources pour retrouver l'air, le goût de vivre, la liberté et peut-être l'amour.

L'occasion d'embrasser d'autres sujets épineux et sensibles comme la discrimation, le droit à la différence, l'amour parental, l'amitié indéfectible qu'on peut développer au gré des années mais aussi tout ce qui peut s'opposer comme la trahison, le mensonge, la culpabilité, le mal à l'état pur avec ses épisodes de violence insoutenable par moment, dans l'expression de son moi intérieur, le personnage principal cherchera la rédemption, à susciter des questions pour provoquer et espérer entraperçevoir d'autres brèches, d'autres chemins possibles, de ces regrets baignés de mélancolie, quand le passé rattrape le quotidien, le futur apparaît alors comme une fumisterie, vivre l'instant présent, à chaque jour suffit sa peine, Elodie n'aura de cesse de combattre ses démons intérieurs, personnalité fantôme ou ultime cri de désespoir, les choix devienne alors restreints pour celle qui se présentait comme un élément sérieux et prometteur, la princesse aux bras du chevalier servant et superbe juché sur l'étrier de son étalon fougueux et dégageant sa crinière comme le fouet claquant tous les ennemis osant s'approchant de leur nid d'amour.

Comme un chemin de croix chaotique, tout reste encore à découvrir dans cette histoire alternant beaux sentiments sans jamais tomber dans la mièvrerie et la frontière de tous les dangers, la trame réaliste et ancré dans un monde de faux-semblants, le poids de la souffrance est palpable, la dignité humaine est bousculée, les fantasmes et autres sensations énivrantes sont partie prenante, dans la sensualité des corps entremêlés se joue des défis de pouvoir de séduction et d'un désir inassouvi, comme si le temps était suspendu, comme si l'urgence de la situation appelait des actes et des prises de position déterminante pour ... le début du reste de notre vie, vivre au jour le jour, tester, expérimenter, flirter avec la zone interdite et de tous les vices requéraient des risques, quand on a juste 28 ans, entre l'innocence et la maturité, le point de jonction se manifeste pour faire remuer les tripes, jusqu'à la nausée, jusqu'au bout de soi-même, décrypter les canevas afin de trouver la clé vers une possible délivrance, jusqu'où peut-on ou est-on prêt à aller par amour ?

Pour une première, Sandrine SC n'est pas allée de main morte, non contente de ne pas se contenter de réchauffer un script qui aurait tourné à vide dans le micro-onde, à son rythme, à la l'éclatement irrésistible de sa vision et de son écriture qui ne demande qu'à mûrir, qu'à prendre encore plus de verticalité dans un prochain roman, des risques encore plus percutants pour sonder les âmes tourmentés de ses personnages, la charge émotionnelle déjà présente avec Les Larmes de l'Ombre pourrait alors exploser et faire de la lectrice/chroniqueuse, celle qui défit les mordus pour sa capacité à affronter toutes les violences et les peurs des thrillers dévorés dans ses ressentis, la chrysalide deviendra papillon et prendra un envol vers d'autres surfaces, celles qui s'appellent le monde infernal et tonitruant des romans à suspense de haut calibre, de ses protagonistes comme il n'en existe ... nulle par ailleurs, de ces climats anxiogènes, de ses atmosphères jonglant entre jour et nuit, entre deux feux, pour explorer et pousser le palpitant dans ses derniers soubresauts, viscéralement, passionnément, la vie peut alors se conjuguer avec tous les genres de littérature, ce qui fait tout le piment des thrillers, c'est la capacité à traiter d'une multitude de sujets d'actualité dans toutes les résonances littéraires, du drame humain et social, des ressorts psychologiques aux phases des plus cauchemardesques, entre légèreté et torpeur des évènements, tout reste possible ... comme dans Les larmes de l'ombre.
To be continued ...
❤️

Les larmes de l'ombre de Sandrine SC , un suspense machiavélique ancré dans le quotidien, belle réussite pour un premier roman !
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