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Critique de le_Bison


Le vent fouette le visage des marins affairés sur le pont à relever l'ancre. Des gueules burinées par le soleil du profond sud et le froid des grandeurs extrêmes. A son bord, un vieux capitaine, la barbe grisonnante, le regard toujours perdu dans ses souvenirs d'antan. Tel un vieux loup de mer, je l'imagine me racontant des histoires de pêches et de pirateries. Un regard qui se lit comme un livre ouvert, des chapitres de vie et de mort. Il m'a accepté à son bord pour que je témoigne de son histoire, l'histoire de la fougue de l'Océan qui n'a rien de Pacifique et de la Patagonie. Pendant ce temps-là, la mer se déchaine contre la coquille métallique qui me sert d'abri sommaire et presque éphémère, déverse toute son impétueuse haine, une écume blanche au bord de ses lèvres comme la bave d'un chien enragé, contre ma misérable existence.

Quand les bateaux quittent vers le large, ils laissent dans leur sillage un fracas de vagues – d'émotions fortes ou douces - houle dansante sur les falaises rongées par la mer. Des mille tempêtes au sommet du Cap Horn, des rafales de vent et de glace déséquilibrent le vol des caranchos. L'homme est l'animal le plus redoutable, de l'amour à la haine il n'y a parfois qu'une tempête qui sépare ces deux sentiments contradictoires, ou un naufrage. Trente-cinq jours sans voir la terre, pull rayé, mal rasé, cargo de nuit, la violence des âmes débarquent, assoiffées, avinées, pour se vider, change de port poupée.

Après trois jours et trois nuits, les déferlantes s'assagissent, l'horizon s'aplanit, le soleil refait surface d'outre-tombe. La mer change ses couleurs. du noir profond, elle se projette bleu azur avant de virer au rouge carmin. du rouge et du sang. Une nappe de sang et d'entrailles s'invite autour des bateaux. La chasse à la baleine est un honneur. Massacre à la tronçonneuse. Et aux harpons. L'odeur de chair et de graisse devient écoeurante, je ne sens même plus le parfum iodé de la brise. J'ai envie de gerber, pas le roulis, pas la bouteille de whisky, juste cette vision d'horreur et de massacre. Sang rouge, sang bleu, la mer devient un océan rouge profond, d'un sombre aussi noir que l'âme de ces marins.

Quand les bateaux quittent vers le large, ils laissent dans leur sillage non seulement un fracas de vagues, mais la mémoire de milliers d'innocents qui se heurte à ne sombrer sur les récifs de l'oubli. Et de ces écueils, tu pourras entendre le cri solitaire des âmes emportées vers le large.
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