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Citations sur Outaouais (53)

Chez nous les Anishinaabeg, on raconte que la vie c'est l'imprévu qui arrive quand on a pensé à tout.
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La chaleur des derniers jours de juillet écrase L’Abord-à-Plouffe sous une chape de plomb. La place du village est un four à pain. Pour se protéger du soleil qui leur darde la couenne, les grenouilles de bénitier s’abritent sous le porche de l’église, dans la fraîcheur de la maison du Seigneur. Les autres, les athées et les soiffards se rafraîchissent la glotte dans les tavernes. Profitant de l’aubaine que Dieu lui accorde à cuire le râble de ses ouailles, le bon père Théodore a prévu deux messes aujourd’hui. La première à Tierce, la seconde à None, toutes deux basées sur le principe de la liturgie des heures, afin de rester dans la joie, rendre grâce et se plier à la volonté divine.
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Depuis des mois, les cultures meurent, rongées par le mildiou. Avec un inexorable appétit, la Grande Faucheuse se rassasie des âmes de ceux qui n’ont plus rien à manger. Sous les toits des fermes, pour parachever la volonté de Dieu, la dysenterie, le choléra et le typhus puent et emportent les vieux et les plus faibles . Toutes les familles sont en deuil. D’un père, d’une mère, d’un enfant. Aujourd’hui, ne restent debout que des affamés. Une tribu d’êtres décharnés, obnubilés par un dernier rêve : quitter cette île de misère et de tombes ouvertes au ciel. Pluie et malédictions s’abattent sur eux. Ventre vide et regard fou, ils n’ont presque rien à se mettre sous la dent. Leurs mains noires de tourbe ne cultivent même plus le maigre espoir de vivre. Elles ne sont utiles qu’à lâcher les cordes qui claquent sur les cercueils. Les visages râpeux de barbe n’expriment qu’une résignation hagarde, une incompréhension dénuée de compassion. Leur seul pain quotidien, pour eux, c’est la mort.
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La rivière gonfle soudain. Des craquements montent des rochers qui retiennent les arbres morts. C’est avec la violence d’une horde de chevaux sauvages que la Lièvre prolonge sa furie sur ses berges. Le déchaînement des flots arrache des parcelles de terre et de bois. En amont, les chutes presque taries vomissent d’un seul coup des tombereaux de billots déchiquetés. Dans un fracas de fin du monde, les troncs effeuillés se percutent, telle une armada de chaloupes en naufrage que le courant soulève avant de les couler. Rageuse de les perdre, la Lièvre les fait ressurgir plus loin, raides et menaçants. C’est alors une armée de pointes maudites dardées à l’assaut des hommes qui luttent en aval avec le monstre et l’embâcle.
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La brunante est encore là lorsque la cloche du campement cogne le réveil. Dehors, tout est rétréci. Ce mercredi matin, Wabos Sipi baigne dans un brouillard froid, annonciateur de nouvelles neiges. Les cimes des plus hauts arbres s’enfoncent dans la brume. Les troncs ressemblent à des fantômes engoncés dans leur linceul. Une brise légère ne parvient pas à libérer les battures de la Lièvre du cocon qui les étouffe. Tout est humide, les vêtements autant que le pain rassis des jours derniers.
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Poussé dehors, Martin se retrouve sur le seuil de la cambuse des rochers, désarçonné d’avoir été houspillé par les deux femmes. Là-bas, La Lièvre se contorsionne pour le séduire, enturbannée dans le foulard de ses nuées. Dans son esprit, le poids des mots d’Odahingum. Devant ses yeux, les ramures des pruches dessinent des fantômes sur la neige. L’eau blanche de la rivière devient miroir et lui renvoie ce qu’il est à cet instant précis. Un Irlandais perdu dans l’immensité de l’Outaouais. Riche de rien. Pauvre de tout.
Un pêcheur d’Irlande dans un océan d’arbres.
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Après des heures d’une pénible progression, l’obscurité avance. Le paysage, assombri par les rafales de neige, prend une teinte grisâtre. C’est là qu’ils ont décidé de se séparer, devant une plaine bossuée qui s’enfonce dans le brouillard des gravières. Martin regarde le traîneau tiré par Tadi partir vers les berges brumeuses de la rivière de la Petite-Nation. Au loin, il aperçoit La Louche envoyer un dernier salut. À écouter le gamin décrire son périple, les sentiers forestiers qu’il empruntera ou les cabanes de coureurs des bois dans lesquelles il dormira, Martin a compris toute sa détermination. « Une mission, un objectif, une réussite » a claironné le gamin avant de grimper sur l’attelage. Encore un personnage qui sort de son histoire après l’avoir traversée par hasard. Combien sont-ils depuis son départ d’Irlande ?
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Aujourd’hui, sur les ardoises de la capitainerie de la Basse-Ville, aucun débarquement d’immigrants en provenance de la Grosse-Île n’est annoncé. Ce répit provisoire soulage une populace de plus en plus réticente à accueillir ces pestiférés d’Irlandais qui n’apportent que leur misère dans le Nouveau Monde. Autour des étals, les femmes tâtent les fruits, soupèsent les légumes, rechignent à choisir un morceau de viande trop nerveuse ou un poisson aux yeux vitreux. Parfois, les marchandages s’enveniment d’une dispute. Les commérages vont bon train et ne sont jamais avares d’une vacherie devant un fessier trop large ou une basquine mal ajustée.
C’est une journée normale sous un ciel grisâtre d’humidité. Un tableau étrange où les nantis se mélangent aux pauvres sans même les voir. Sur les marches du dispensaire, les crève-misère se figent en statues, la main tendue vers une obole qui ne viendra pas. Dans l’obscurité des ruelles, les filles de mauvaise vie aguichent le client et remontent leurs jupons pour négocier une piécette de jouissance. Un demi-sou avec la bouche. Un sou par-devant. Deux par-derrière.
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Loin des sacrements et de la protection que Saint Ignace doit apporter aux bûcherons en partance, les tavernes ne désemplissent pas. Bien sûr, les hommes croient en Dieu, mais les huit mois à trimer dans la solitude des forêts, la gadoue de l’automne et le froid de l’hiver gomment la foi des plus assidus à la supplique. La-haut, dans les cambuses de la Lièvre, il sera toujours temps de s’agenouiller et d’appeler Dieu à l’aide. Après les soirées bercées de vantardise au coin du feu, après les dimanches de repos remplis de chansons, de jig et de clog, la prière sera leur unique passe-temps.
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D’après diverses légendes, un windigo prend vie lorsque trois éléments sont réunis : la faim, un froid extrême et l’isolement. Dans les traditions algonquiennes, c’est un pourfendeur de chair qui s’attaque aux personnes vulnérables et les tue afin d’usurper leur identité. Pour le vaincre, les armes classiques sont inopérantes, même si elles peuvent le tenir à distance.
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