A quarante ans, Adam quitta son travail et se dirigea vers Sixth Avenue avec une pile de livres à vendre à la criée. Sa crise de la quarantaine se transforma en carrière, de même qu'une lettre de suicide peut parfois devenir un brillant début littéraire.
C'est un métier solitaire, et ces instants sur le parking avant l'ouverture restent la principale activité sociale pour beaucoup de bouquinistes, surtout ceux qui vendent sur internet. Qui peut leur en vouloir d'être légèrement passéistes ? La profession est par nature entièrement centrée sur les choses du passé.
(p. 8)
Ces travailleurs sous stress ont la vie dure, car dans ce métier, les personnes bordéliques ne sont pas juste tolérées, elles sont acclamées. Lorsqu'un journal publie l'éloge funèbre d'une énième librairie forcée à mettre la clé sous la porte, on découvre toujours qu'il y avait un gentil excentrique à la tête du navire, de ceux qu'on ne fait plus aujourd'hui. (p. 43)
J'ai fait la moitié de l'alphabet en m'extasiant sur les vertus de New-York et du gang d'excentriques qui perpétue sa mémoire de papier. J'ai de la chance de vivre ici et d'avoir ce travail. C'est un boulot difficile, et une ville où il est dur de se débrouiller. C'est peut-être la raison pour laquelle deux bouquinistes seront tellement heureux de se croiser dans la rue: tous deux ont survécu !
Les bouquinistes ont des vies austères, comme les rabbins ou les prêtres. Aucune fortune, juste la satisfaction de ne pas rendre le monde pire qu'il est. (p. 93)
Comme disait Kropotkine : “Les instruments de l'oppression doivent être retournés contre lui.“
Les bouquinistes ont des vies austères, comme les rabbins ou les prêtres. Aucune fortune, juste la satisfaction de ne pas rendre le monde pire qu’il est.
Y aurait-il une catégorie supplémentaire de bouquiniste dans cette fichue boîte de sardine qu'est New-York ? Oui. Huit millions de façons de mourir, et huit millions de façons de vendre des livres. Les touristes sont les seuls à acheter.
Notre héros du jour tient à sa table à Union Square (...) . mais voilà le truc : tous ses livres sont gratuits- libres comme devraient l'être tous les humains et animaux. (p. 125)
Les livres ne sont pas des denrées périssables qui tournent dans la semaine. C'est de l'art à accrocher aux murs, un rappel d'où vous étiez, un futur vers lequel tendre.
L'entraide est au cœur de la profession de bouquinistes, pas la compétition, ni l'intérêt personnel – chose naturellement facilitée par le fait que chaque bouquiniste possède une spécialité.
Je ne dis pas que les bouquins sont une cause plus noble. Le cliché romantique de la vente de livres comme vocation honorable et altruiste reste inexact et fait plus de mal que de bien. Pour faire court, la réussite dans un commerce dépend de votre intérêt pour ce que vous vendez. Il faut aimer les livres, ou les haïr avec au moins autant de passion, comme seuls en sont capables les amoureux méprisés ou les apostats. (p. 24)