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Critique de patrickandre


J'ai pris grand plaisir à parcourir ce roman de Maryse Condé. Une lecture qui confirme sa place parmi mes écrivains favoris. Pour l'ensemble de ses oeuvres, elle obtint le Prix Nobel de littérature alternatif 2018 qui est une consécration de son art assumé de peindre des personnages pleins de reliefs psychologiques et émotionnels devenant attachants au fil des pages. Ce prix à mon humble avis est pleinement mérité de par le calibre de l'écriture, de l'imagerie de scènes, de personnages, de langage et d'émotions dans un vocabulaire soigné, dans une érudition de connaissances historiques et générales, dans des phrases sculptées dans la poésie, l'humour ou l'ironie. Elle a l'art de me faire rêver tout en m'inondant de connaissances.

Je ne peux lire Maryse Condé sans un dictionnaire proche, sans souligner au crayon constamment des phrases géniales, des mots certaines fois vieillis mais descriptifs ou utilisés à dessein comme pour mieux situer les personnages dans leur contexte historique. Par exemple, elle écrit « menteries » au lieu du mot moderne : mensonges, ou encore « coutelas » au lieu de : machettes. Cette lecture me captive, mais surtout me porte à penser et réfléchir sur nombre de thématiques qu'elle présente comme : l'esclavage, la sorcellerie, le féminisme, l'iniquité des genres, la sexualité féminine, la spiritualité, et tant d'autres.

L'histoire du roman tourne autour de Tituba, personnage principal, qui est la fille de l'esclave Abena violée par un marin anglais à bord d'un vaisseau négrier. Née à la Barbade, elle est initiée aux pouvoirs surnaturels d'une mère adoptive, guérisseuse et faiseuse de sorts. de la Barbade, Tituba, esclave, sera emmenée à Boston avec son nouveau maitre, puis à Salem où elle sera accusée de sorcellerie lors de l'hystérique chasse aux sorcières, qui est un aberrant fait historique.

Tout au long du roman, Maryse Condé entremêle histoire et imagination. On voit donc défiler cette hideuse institution qu'était l'esclavage avec tous ses avatars comme la chosification des êtres humains réduits à l'état de meubles ou de cheptels taillables et corvéables à merci. On retient les rapports humiliants des maitres aux esclaves, des frustrations psychologiques et physiques endurées journalièrement pendant des siècles par des femmes et hommes déracinés de leurs terres, de leur culture, de leur monde et vouées aux géhennes des Caraïbes et de l'Amérique.

Mais l'auteure peint également la Barbade avec ses plantations de canne à sucre, ses champs, ses jardin-potagers, ses ruisseaux, sa végétation, sa vie de tous les jours. Mais là, je crois que Maryse Condé à légèrement péché en géographie dans ses descriptions de la Barbade. Elle fait une constante référence aux mornes de cette ile, qui en fait ne contient que 12 montagnes. La Guadeloupe, sa terre natale, en contient 246, ce qui a assurément imprégné sa conception d'une ile antillaise. Donc, je crois qu'involontairement elle a entremêlé la Guadeloupe et la Barbade comme une seule et même ile. Amusant et pardonnable.

L'histoire de Tituba est fluide, captivante, et émotionnellement intéressante. le récit est principalement écrit à la première personne et au passé composé. On entre donc dans la peau de Tituba dès la première ligne en pénétrant directement une tranche d'histoire à l'instar d'un voyage dans le temps. Comme dans ses romans : « L'histoire de la femme cannibale » et «En attendant la montée des eaux” – que je recommande également, je me suis délecté à lire une écrivaine purement caribéenne, fière de ses origines africaines, qui dans ce roman offre une vision du monde et de l'histoire qui mérite d'être lu et apprécié.
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