L’œil tué n’est pas mort
Un coin le fend encor
Encloué je suis sans cercueil
On m’a planté le clou dans l’œil
L’œil cloué n’est pas mort
Et le coin entre encor.
[Épitaphe]
Il se tua d’ardeur, ou mourut de paresse.
S’il vit, c’est par oubli ; voici ce qu’il laisse.
La cigale et le poète
Le poète ayant chanté,
Déchanté,
Vit sa Muse, presque bue,
Rouler en bas de sa nue
De carton, sur des lambeaux
De papiers et d’oripeaux.
Il alla coller sa mine
Aux carreaux de sa voisine,
Pour lui peindre ses regrets
D’avoir fait — Oh : pas exprès ! —
Son honteux monstre de livre !…
— « Mais : vous étiez donc bien ivre ?
— Ivre de vous !… Est-ce mal ?
— Écrivain public banal !
Qui pouvait si bien le dire…
Et, si bien ne pas l’écrire !
— J’y pensais, en revenant…
On n’est pas parfait, Marcelle…
— Oh ! c’est tout comme, dit-elle,
Si vous chantiez, maintenant !
RACCROCS
LITANIE DU SOMMEIL
« J’ai scié le sommeil ! »
(Macbeth.)
Vous qui ronflez au coin d’une épouse endormie,
Ruminant ! savez-vous ce soupir : l’INSOMNIE ?
— Avez-vous vu la Nuit, et le Sommeil ailé,
Papillon de minuit dans la nuit envolé,
Sans un coup d’aile ami, vous laissant sur le seuil,
Seul, dans le pot-au-noir au couvercle sans œil ?
— Avez-vous navigué ?... La pensée est la houle
Ressassant le galet : ma tête... votre boule.
— Vous êtes-vous laissé voyager en ballon ?
— Non ? — bien, c’est l’insomnie. — Un grand coup de talon
Là ! — Vous voyez cligner des chandelles étranges :
Une femme, une Gloire en soleil, des archanges...
Et, la nuit s’éteignant dans le jour à demi,
Vous vous réveillez coi, sans vous être endormi.
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Je voudrais être un point épousseté des masses,
Un point mort balayé dans la nuit des espaces,
...Et je ne le suis point !
Trop Soi pour se pouvoir souffrir,
L'esprit à sec et la tête ivre,
Fini, mais ne sachant finir,
Il mourut en s'attendant vivre
Et vécut, s'attendant mourir.
Ma pensée est un souffle aride :
C'est l'air. L'air est à moi partout,
Et ma parole est l'echo vide
Qui ne dit rien _ et c'est tout.
Petit mort pour rire
Va vite, léger peigneur de comètes!
Les herbes au vent seront tes cheveux;
De ton œil béant jailliront les feux
Follets, prisonniers dans te pauvre tête...
Les fleurs de tombeau qu'on nomme Amourettes
Foisonneront plein ton rire terreux...
Et les myosotis, ces fleurs d'oubliettes...
Ne fais pas le lourd: cercueils de poètes
Pour les croque-morts sont de simples jeux,
Boîtes à violon qui sonnent le creux...
Ils te croiront mort - Les bourgeois sont bêtes-
Va vite, léger peigneur de comètes!
"Sans avoir été, — revenu ;
Se retrouvant partout perdu."
FLEUR D’ART
Oui — Quel art jaloux dans Ta fine histoire !
Quels bibelots chers ! — Un bout de sonnet,
Un cœur gravé dans ta manière noire,
Des traits de canif à coups de stylet. —
Tout fier mon cœur porte à la boutonnière
Que tu lui taillas, un petit bouquet
D’immortelle rouge — Encor ta manière —
C’est du sang en fleur. Souvenir coquet.
Allons, pas de pleurs à notre mémoire !
— C’est la mâle-mort de l’amour ici —
Foin du myosotis, vieux sachet d’armoire !
Double femme, va !... Qu’un âne te braie !
Si tu n’étais fausse, eh serais-tu vraie ?...
L’amour est un duel : — Bien touché ! Merci.