La procréation féminine renforce-t-elle chez les hommes l'expérience de l'altérité vis-à-vis des femmes ? Ou bien inspire-t-elle le sentiment d'impuissance devant ce pouvoir qu'il ne saurait acquérir ? Leur rappelle-t-elle la proximité entre l'animal et l'humain, pris tous deux dans des processus biologiques mystérieux et largement immaîtrisables ?
Elle (Simone de Beauvoir) insiste, dans le deuxième volume de son ouvrage Le Deuxième Sexe (1949), sur cette phrase frappante : "dans la collectivité humaine, rien n'est naturel", ajoutant que "la femme est un produit élaboré par la civilisation". S'il n'y a pas lieu dans la pensée de Beauvoir de faire abstraction des manifestations physiologiques de la différence sexuelle, elle considère que celles-ci ne sauraient, à elles seules, déterminer la trajectoire socio-économique et professionnelle des femmes, ni expliquer l'inégalité des conditions des femmes et des hommes. Pour que les différences physiologiques entre les sexes aient pu avoir un impact déterminant sur l'organisation de la vie économique, sociale et politique, elles devaient au préalable subir, à travers l'histoire, une interprétation, une construction, transmises par le biais de la socialisation.
Pour Beauvoir, cet enfermement dans l'"immanence", en particulier dans son rôle d'épouse et de mère, interdit à la femme de s'émanciper par le travail productif, de se réaliser en tant qu'être "transcendant", ce qui signifie au fond la capacité de se projeter dans le monde.
Pour l'historienne (Joan Scott), la manière même d'écrire l'histoire contribue à la construction du "genre" féminin ou masculin, car dans l'histoire se jouent de nombreuses interprétations : à qui donne-t-on les premiers rôles ? Quelles histoires sont racontées ? Quelles histoires sont passées sous silence ? ...