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Critique de Lamifranz


Dans mon jeune temps, on apprenait l'Histoire romaine en classe de 5ème. C'est là que j'ai fait connaissance pour la première fois avec les Voraces et les Coriaces. Oui, c'est ainsi qu'on appelait ces icônes de l'Antiquité, aux côtés de Romulus et Rémus, Mucius Scaevola ou Cincinnatus (et autres joyeux drilles). Je ne savais pas encore qu'Horace, puisqu'il faut l'appeler par son (vrai) nom, avait été mis en pièce (façon de parler) par Corneille, puisque je n'ai découvert cet auteur que l'année suivante en étudiant « le Cid » (une révélation).
« Horace », je ne l'ai jamais étudié en classe, ni vu en spectacle, je n'ai fait que lire la pièce. Mais c'est déjà beaucoup : on a toujours intérêt à lire dans le texte les oeuvres théâtrales, d'abord pour en approfondir le sens, ensuite pour apprécier le style de l'auteur, la composition de l'oeuvre ou la beauté de l'écriture, enfin pour compléter avec les didascalies distillées par le dramaturge la réception de la pièce.
Corneille, c'est un style particulier, tout fait en formules qui claironnent en se frottant les unes aux autres, un style qui a du charme souvent, parce qu'il fait passer dans ses vers de très belles choses, mais qui souffre parfois d'une certaine emphase qui nuit un peu à l'émotion, bref un style « théâtral » qui crée une certaine distance entre les acteurs et le spectateur, alors que Racine, au contraire, raccourcit cette distance, en faisant participer le spectateur plus « émotionnellement ».
L'histoire, vous la connaissez : c'est la guerre entre Rome et sa voisine Albe. Sabine, albaine, est la femme d'Horace, romain. Camille la soeur d'Horace, romaine, donc, est fiancée à Curiace, albain. Dans le combat, Horace fait semblant de fuir (ce qui lui vaut une accusation de traîtrise de la part de son père le vieil Horace) mais c'est pour mieux éliminer ses adversaires. Rome, un, Albe, zéro. le vieil Horace est content, mais Camille, bien que romaine, se retourne contre sa mère patrie. Horace, tout auréolé de sa gloire récente, la tue en pensant faire un acte de justice. Sa femme, Sabine, lui demande de la tuer à son tour. Là, Horace commence à se demander s'il n'est pas allé un peu trop loin. le roi Tulle (à ne pas confondre avec le roi « de » Tulle) doit trancher.
C'est donc une tragédie. Les conflits sont multiples : le conflit patriotique entre les deux cités ; le conflit sentimental entre les quatre protagonistes, le conflit parental avec le vieil Horace, et le conflit politique du roi Tulle, obligé de trancher entre la gloire de la victoire romaine et le châtiment d'un crime. Il aime ça, Corneille, les affrontements, les états d'âme qui fluctuent entre le coeur et la raison, entre les sentiments et les intérêts, entre la gloire et l'amour (autant de thèmes qu'on retrouvera dans d'autres pièces, à commencer par « le Cid » ou « Cinna ») ; il aime ça et multiplie les formules qui font mouche :
La déception du vieil Horace (Acte III, scène 6)

JULIE :
Que voulez-vous qu'il fît contre trois?
LE VIEIL HORACE: :
Qu'il mourût!
Ou qu'un beau désespoir alors le secourût.

La douleur de Camille (acte IV, scène 4)

Et son imprécation (acte IV, scène 5)
CAMILLE :
Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître, et que ton coeur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore !
Dans cette pièce, Camille a un très beau rôle, un des plus beaux du théâtre classique
« Horace » est avec « le Cid », « Cinna » et « Polyeucte » un des chefs-d'oeuvre de Corneille. Dommage qu'on ne le joue plus souvent. En attendant, sur le site de la Comédie-Française, on peut trouver le dvd d'une captation de 1972, mise en scène de Jean-Pierre Miquel, réalisation d'Olivier Ricard, avec les interprètes de la troupe de la Comédie-Française : Michel Etcheverry (le vieil Horace) ; Simon Eine (Tulle, roi de Rome) ; Jean-Noël Sissia (Valère) ; François Beaulieu (Horace) ; Nicolas Silberg (Flavian) ; Jean-Luc Boutté (Curiace) ; Claude Winter (Julie) ; Christine Fersen (Sabine) ; Ludmila Mikaël (Camille) ; Gérard Douheret (Procule).


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