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Critique de ecceom


Résumé des chapitres précédents
Le petit Jason a connu une enfance agitée dans sa bonne ville de Iolchos en Thessalie.
Son oncle Pélias a détrôné son père (Eson) et cherche à se débarrasser également de lui en l'envoyant chercher une toison d'or quelque part en Colchide, dans les prés.
Une mission a priori impossible compte tenu des nombreux obstacles proposés, entre taureaux aux pieds d'airain, armées surgies de terre, dragon... (la routine, quoi)

Pourtant, contre toute attente, Jason fait le taf, bien aidé il est vrai, par Médée, une magicienne efficace et amoureuse et par ailleurs, petite fille du Soleil, comme le chantait Christophe.
Le retour en bateau des deux tourtereaux, est un peu mouvementé. Éétès (bien raisonnable pourtant) le père de Médée furieux du vol de toison s'est lancé à leur poursuite avec ses soldats. Pour les retarder, Médée lâche du lest en découpant son petit frère en morceaux qu'elle jette à l'eau, obligeant les Colchidiens à s'arrêter pour jouer au puzzle. (oui, c'est un peu rude)

De retour à Iolchos, alors qu'il pourrait jouir d'un repos bien mérité, Jason découvre que Pélias vient de faire tuer son père. (mais c'est dingue, ça n'arrête jamais !)
Médée, Médée...crie Jason !
Pour asseoir sa vengeance, Jason se fait donc aider par Médée.
Bonne fille, cette dernière use de ruse et de sortilèges et fait assassiner Pélias par ses propres filles.
Un partout !

Mais ce tour de magie déplaît à Acaste (plus connu sous le nom d'Alceste), le fils de Pélias qui les poursuit de sa colère.

Jason et Médée sont contraints de s'exiler à Corinthe où le roi Créon les abrite. Ils font des enfants, se la coulent douce en mangeant du raisin...bref, tout va bien jusqu'à ce que...

Et nous voici donc rendus à ce drame cornélien.

Car le couple maudit n'est pas tiré d'affaire. Acaste n'a pas décoléré et il menace désormais Corinthe et son roi. Pour le calmer, Créon propose d'exiler Médée et de donner Créuse, sa fille, en mariage à Jason.
Inutile de dire que Jason qui trouve Créuse plutôt bien gaulée, accepte sans état d'âme.
Inutile de dire que Médée elle, ne l'entend pas de cette oreille.

Il faut la comprendre aussi.
Non seulement elle doit s'exiler, mais encore on lui dit que ses enfants vont rester avec sa rivale et qu'au surplus, elle doit lui refiler sa robe.
L'exil, la séparation avec l'époux et les enfants, la robe...Il faut reconnaître que ça commence à faire beaucoup.

Et on sait qu'il ne faut pas trop titiller Médée qui a le sang chaud, le sortilège prompt et le couteau facile.

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Pour ses débuts dans la tragédie, Corneille n'y est pas allé avec le dos de la cuillère.

Il a certes adouci quelque peu l'incroyable déchaînement de violence qui emplissait la pièce d'Euripide, en tentant notamment de répartir davantage les responsabilités pour humaniser Médée et lui fournir des circonstances atténuantes. Ainsi, le comportement des autres protagonistes, Jason notamment, apparaît assez lâche, faisant porter la responsabilité sur les seules épaules de Médée qui l'a pourtant sauvé par amour, dédaignant désormais cette " femme barbare ".

Je ne suis pas sûr que Corneille ait totalement réussi son entreprise, tant le personnage de Médée incite assez peu à l'empathie, tuant sans relâche pour assouvir sa soif de vengeance. Même par amour, c'est du rude !

De plus, Corneille n'a sans doute pas tiré de cette histoire terrible, sa pièce la plus formellement aboutie.
Je trouve que certaines tournures nécessitent de revenir sur le texte pour bien en comprendre le sens et les scènes d'exposition ne suffisent pas complètement à rappeler le passé des personnages. Quelques vers étonnent même par une répétition gênante (Ixion aux vers 1387 et 1524)
Accessoirement enfin, le traitement classique est troublé par l'absence d'unité de lieu et l'intervention d'un deus ex machina un peu facile pour clore la dernière scène de Médée (le char volant).

Mais de mon point de vue, Médée mérite toutefois une place à part pour au moins deux raisons : le personnage extraordinaire de Médée et des tirades brillantes.

Médée est la représentation même, de l'hybris. Monument de démesure, pleine de bruit et de fureur, on peine à imaginer qu'elle puisse aller aussi loin, dans la détermination haineuse. Il y a un côté proprement effrayant dans ce personnage unique, rageur, qu'il faut bien appeler un monstre.

A héroïne pareille, tirades exceptionnelles :
- " Apportez-moi du fond des antres de Mégère/ La mort de ma rivale et celle de son père, Et si vous ne voulez mal servir mon courroux, Quelque chose de pire pour mon perfide époux."
- " Oui, tu vois en moi seule et le fer et la flamme, Et, la terre et la mer, et l'enfer, et les cieux, Et le sceptre des rois et le foudre* des dieux. ' ;
ou encore quand elle rappelle à Créon qui s'en mêle, ce qu'on lui doit : "Est-ce user comme il faut d'un pouvoir légitime, Que me faire coupable et jouir de mon crime" ..." Si Jason et Créuse ainsi l'ont ordonné, Qu'ils me rendent le sang que je leur ai donné"...

...et peut-être une des plus terribles quand Médée répond avec une ironie mordante à Jason qui essaie de la persuader qu'il n'oeuvre que pour son bien : " On ne m'a que bannie ! Ô bonté souveraine ! C'est donc une faveur, et non pas une peine ! Je reçois une grâce au lieu d'un châtiment ! Et mon exil encor doit un remerciement"
'
Terrible !

Une pièce exigeante donc, avec de grands moments de théâtre et de littérature.

* oui, foudre était masculin en grec. Comme c'est un faisceau de dards, j'ai cru à une coquille séminale.
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