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Critique de Soleney


Réécrire les légendes arthuriennes au féminin a déjà été fait avec l'excellente saga des Dames du lac, de Marion Zimmer Bradley. J'avais un peu peur de me lancer dans le Chant des cavalières, étant donné le poids de cette trilogie et les critiques mitigées.
Mais force est de constater que Jeanne Mariem Corrèze a bien su se démarquer de ses prédécesseurs : le roi Arthur est incarné par Sophie, novice de l'ordre des cavalières. Lunde et Baldré sont les doubles représentations d'Excalibur et de son fourreau, et l'ordre en lui-même évoque évidemment une geste de nobles chevaliers. le pays dans lequel vit Sophie a été vaincu par son terrible voisin, les Comtés-Unis. Soumis depuis plusieurs années, le royaume n'a qu'une seule chance de se relever : qu'une Reine soit choisie par les puissants artefacts que la légendaire Maude a laissés derrière elle.
Cette élue est Sophie, évidemment. Sophie qui, de prime abord, n'est qu'une jeune écuyère sans particularité.

Un pitch assez classique, mais dont la mise en place était louable pour deux raisons.
Tout d'abord, la beauté de la langue. L'auteure a le don de transmettre des ressentis précis, de planter des décors somptueux et de nous faire voir les scènes qu'elle raconte. Plusieurs fois, j'ai été obligée de relire des passages admirablement tournés pour mieux me repaître de la perfection des tournures de phrase.
Oui, je parle de perfection. Pour vous dire à quel point c'était marquant…

Cette écriture est, à mon sens, LE point fort du roman, suivi de près par les personnages.
Contre toute attente, ma préférée n'est pas Sophie, mais Éliane, qui est tout à la fois son mentor et son opposant le plus acharné. Tourmentée par la perte d'Aquilon, celle-ci n'a ni la patiente, ni la disponibilité émotionnelle pour se préoccuper d'une enfant. Devoir l'élever lui rappelle la disparition de sa Maîtresse, et c'est pourquoi elle délaisse Sophie. Celle-ci, angoissée par cette vexante mise à l'écart, multiplie les efforts pour attirer l'attention de la nouvelle Matriarche. Mais elle ne fait qu'attiser mépris et froideur.
Les circonstances font que les deux femmes ne sont pas faites pour s'entendre : plus Éliane se montre injuste envers Sophie, plus celle-ci accumule de la colère et tente d'attirer son regard. Elle n'est pas la seule : Éliane est dure envers tout Nordeau, qui regrette l'ancienne Matriarche. Derrière cette fermeté, cette incapacité à écouter ses interlocuteurs, on sent un grand manque de confiance, une peur de ne pas être à la hauteur. Éliane se hisse au-dessus des autres à la force des poignets de crainte de ne pas suffire en étant elle-même.
Cette personnalité riche n'est pas la seule à avoir touché mon coeur. Frêne et Raëlle, mystérieuses, voire parfois antipathiques, sont dans la confidence d'Aquilon. Elles contribuent à tisser le destin de Sophie et leurs objectifs ne sont pas clairs. Ce sont des femmes fortes, balancées entre leur empathie envers leur marionnette et leur sens du devoir.
(Ou en tout cas, ce qu'elles interprètent comme tel. Leurs actions visent à rendre toute sa gloire à leur nation, mais qui dit qu'elles n'en précipiteront pas la chute ?)

En fin de compte, les personnages qui m'ont le moins marquée sont Sophie et Pèn, sa meilleure amie. Jeunes, indécises, idéalistes, méconnaissant presque tout de leur monde, elles n'ont pas encore beaucoup de personnalité.



Mais ce livre, par ailleurs très intéressant, possède un défaut que nombre de lecteurs ont déjà relevé : il ne se passe pas grand-chose… C'est merveilleusement écrit, ça plante des personnages riches et nuancés, un décor grandiose mais… Ça s'arrête là. Ce one-shot ressemble plus à un tome d'introduction pour une grande saga.
D'autant plus que j'avais cette terrible impression de voir l'histoire se dépouiller de ses qualités. Plus j'avançais, moins les scènes et les décisions de Sophie avaient de cohérence (TGCM), et moins l'écriture me paraissait fine. Passé la moitié du livre, elle en devenait même carrément ronflante.


Une note en demi-teinte, donc, pour un roman qui avait commencé comme un coup de coeur et qui a fini comme un soufflé au fromage.
Cependant, je serai extrêmement curieuse de lire d'autres romans de Jeanne Mariem Corrèze. Cette femme a un très bon potentiel !
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