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Critique de Erik35


LE VENTRE DU PRODUCTEUR...

Ouvrage lu dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2018.

Italie contemporaine...Le cinéma italien n'est plus guère que l'ombre de ce qu'il put être dans les années glorieuses de la fameuse Cinecittà, la "ville du cinéma", qui virent passer les Luchino Visconti, les Roberto Rossellini, les Sergio Leone, les Vittorio de Sica et autres Frederico Fellini. Un homme cependant, producteur en gros sabot, égocentrique et ego-centré, dénué de scrupule ni de morale commune, gourmette en or et femme sublissime (mais au caractère de sud-américaine bien trempé) au bras, rêve de racheter une partie des antiques studios et de leur rendre leur lustre d'antan. Son nom : Oscar Martello. Pour en arriver à ses fins, ses petites affaires, légales depuis qu'il s'adonne à la production cinématographique, mais mieux vaut ne pas trop fouiller dans son passé quelque peu interlope, il ne peut se permettre le moindre échec. Hélas, son dernier film, dans lequel il a investi une petite fortune, est, sans l'ombre d'un doute, loupé. Mal réalisé, mal scénarisé, mal monté, acteurs convenables mais mal dirigés, il est en deçà de toutes les prétentions souhaitées et le bide commercial est au bout de la chaîne. Ce n'est cependant pas à un roublard dénué de conscience que l'on va apprendre à faire des affaires avec un canard boiteux. Aussi va-t-il créer de toute pièce une vague amourette entre la superbe tête d'affiche, Jacaranda Rizzi, étoile montante du show-bizz transalpin mais femme à la trentaine déprimée, sombre et totalement pommée et, comme vedette masculine, celui que Martello considère comme son seul ami (à moins que ce ne soit encore-là que pur faux-semblant utile), le scénariste très demandé, Andrea Serrano, un homme fidèle, un peu effacé, qui traîne sur ses contemporains un regard quelque peu désabusé. Hélas, l'escapade parisienne entre le scénariste et la comédienne ne va pas s'achever exactement comme la chose avait été prévue par le producteur. En effet, l'actrice sera retrouvée morte quelques jours plus tard dans un canal d'Amsterdam et s'il apparaît très vite que c'est un suicide, Martello, qui n'en est plus à une obscénité prêt, va profiter de ce drame pour faire exploser les entrées de son navet et faire fructifier son lourd investissement puisque c'est désormais assurément l'ultime film de la défunte starlette, tandis que l'agence de communication (lire "paparazzi") Guerra & Pace, du nom de ses fondateurs, grassement payée par le même Martello va faire enfler l'ensemble pour obtenir le plus probant des résultats sonnant et trébuchant...

Mais derrière l'apparent succès fondé sur d'innommables arnaques et une absence totale de morale, c'est tout un empire érigé à coup de dessous de table, de mensonges, de tromperies, de fêtes toutes plus invraisemblables et orgiaques les unes que les autres, de coke et de sexe, d'argent apparemment facile, d'arnaques et de sentiments faux qui est sur le point de s'effondrer. Il faudra pour cela que ce pur "mâle dominant" qu'est Oscar Martello, cet homme au ventre (symbolique) énorme (il est plutôt physiquement bel homme), soit poursuivit des assiduités d'un inspecteur milanais spécialiste du blanchiment d'argent, doublées d'une épouse (vaguement) éplorée mais très intéressée par le capital de son futur ex-époux pour que la fin de cet énorme mensonge d'une vie advienne enfin, chaotique et cataclysmique. Sans oublier, pour faire bonne mesure, la sordide affaire de moeurs, vieille de vingt ans, surgissant des placards à la suite de la découverte morbide de la jeune actrice suicidaire.

Indéniablement, "Nous dormirons quand nous serons vieux" se lit vite : style facile, souvent très proche du langage quotidien parlé, quand il n'est pas simplement vulgaire, phrases courtes, vives, rythmées ; histoire plus ou moins cousue de fil blanc ; personnages creusés juste ce qu'il faut pour leur donner un enrobage crédible, mais d'une psychologie primaire et souvent caricaturale ; décors posés à la hâte mais suffisamment évocateur pour se faire une idée des lieux et des atmosphères sans être trop pesant à qui n'apprécie guère les descriptions détaillées... Avec ce premier roman, l'italien Pino Corrias donne donc un texte sans anicroche, sans difficulté majeure mais sans grand relief, malgré le côté volontairement comedia del arte de l'intention et du résultat. Ne sachant définitivement choisir entre comédie de moeurs, histoire d'amour et d'amitié tristes, intrigue vaguement policière, critique sociale d'un certain milieu, aisé et même très riche, souvent parvenu, bien plus malin que réellement intelligent, sans culture ni morale et ou se mêlent sans joie profiteurs, menteurs, arnaqueurs, drogués, alcooliques mondains et dépressifs, l'auteur transalpin finit par faire ressembler son ouvrage à ce qu'il souhaite visiblement peindre : cette Italie d'une certaine classe supérieure - une classe sans "la classe", pourrait-on dire -, digne héritière des années Berlusconi, plus parasite que réellement créatrice ni créative car à force de démonstrations poussives et répétées, à force de mélanger les genres, c'est l'ennui qui s'empare très rapidement du lecteur lequel, même supputant bien des éléments véridiques dans ce qu'il découvre du monde du show-bizz, finit par s'en désintéresser peu à peu, se rassurant du seul fait que l'ouvrage est d'une lecture facile - à défaut d'être réellement agréable - quoi que parfaitement inutile et lassante. Rien de plus détestable que d'éprouver ce sentiment d'avoir perdu quelques heures à lire un récit dont on sait qu'on n'en retirera pas grand chose, à peine quelques moments simplement agréables, une fois définitivement refermé.
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