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Critique de Athalie2


La colère est celle de deux pères, un noir, Ike Randolph, et un blanc, Buddy Lee Jankins. le premier est une force de la nature, qu'il a rageuse par ailleurs, et le second est un maigrichon dont le corps est fatigué par des années d'alcool, et secoué par une toux qui lui coupe parfois le souffle. Mais il n'empêche qu'il a la même rage. Si Ike est noir, il est quand même celui des deux qui vit dans un confort matériel enviable. Il a bâti son entreprise de jardinerie, acquis une forme de respectabilité à la sortie de ses années de prison. Ex tueur pour un gang, il ne dissimule pas le tatouage des Blacks Gods qui le désigne comme appartenant à ceux qui ont survécu à l'enfermement par l'ultra violence. Buddy Lee, quant à lui, vit dans un mobil home crasseux, divorcé depuis des lustres de son unique amour, la mère de son fils unique, Derek. Si son passé judiciaire semble moins lourd que celui de Ike, il n'empêche qu'il a lui aussi une sacrée expérience de taulard.

Si il ne fait pas bon être noir en Virginie, être homosexuel n'est pas non plus un fleuve tranquille, surtout si, comme le fils de Ike, Ishia, s'ajoutent la couleur de peau et le mépris de son propre père. Dereck et Ishia s'aimaient, ils avaient une petite fille, et ils ont tous les deux été exécutés d'une balle dans la tête, à la sortie d'un bar. L'enquête de la police ne mène nul part. Les deux hommes menaient une vie tranquille, l'un journaliste, l'autre pâtissier. Leurs amis ne semblent rien savoir, et répugnent, en tant que gays, à coopérer avec les autorités. L'homosexualité, si elle ne semble pas être à l'origine du meurtre, est cependant la cause de la colère des pères qui ne l'ont jamais acceptée. Ils ne sont pas venus au mariage et se rencontrent pour la première fois à l'enterrement. La colère, ils la retournent alors contre eux même, trop tard pour être des bons pères, pour rattraper les silences, les mauvaises blagues et le mépris, les années de distance affective, de gêne et de rejet.

Il leur reste la colère et une irrépressible soif de vengeance contre les meurtriers pour exutoire de la leur, et comme ceux ci sont liés à un club de bikers, ça canarde sec. Ces deux pères là, ce sont des rambos lancés à toute vitesse dans un quatre quatre pourri, et comme ils ne savent pas où ils vont, ils sèment des dommages collatéraux à tout va, ce dont ils se moquent comme de leur premier meurtre. Ils zigouillent ce qui leur tombe sous la main, et l'arsenal jardinier de Ike, serpe et brouilleur de compost se révèlent être peu écologiques. Même si le duo grince un peu, la culture raciste sudiste de Buddy Lee n'étant pas toujours du meilleur effet, ils vont, brouillons, ne reculant devant aucun traquenard. Il faut dire que leurs adversaires ne sont pas non plus des perdreaux de l'année, pressés par un mystérieux commanditaire dont on comprend qu'il est prêt à tout pour que sa sexualité "déviante" reste un secret très bien gardé.

L'intrigue, une sorte de course poursuite à l'aveugle est tout sauf claire, foutraque même, mais elle prend de l'épaisseur et de l'intérêt dans le rapport des pères à l'homosexualité de leur fils. Cependant, toute rédemption étant impossible, impossible le retour en arrière, le "comment j'aurais dû aimer", ce méa culpa échappe à toute mièvrerie sentimentale. Ike et Buddy sont de bout en bout des personnages sombres, qui ne cherchent pas à minimiser leur culpabilité, Ike avait honte d'Ishia, il ne pouvait le regarder, accepter la main de son fils dans celle de Derek. Buddy incitait Derek à redevenir "normal" à coup de plaisanteries mal à propos, l'incitant à retrouver sa virilité ...

L'épopée de la vengeance tourne parfois au grand guignol, les scènes de fusillades écrites à la Tarantino, parfois lassantes, mais il reste deux personnages, perclus de rage, explosive mais pas salvatrice. Les flashs narratifs sur la problématique du genre et de l'orientation sexuelles sont particulièrement pertinents, logiques et cohérents avec la rage des pères et leur impuissance.
Lien : https://aleslire.wordpress.c..
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