Les jours passaient. Le lapin était très heureux - si heureux qu'il ne s'apercevait même pas que son beau velours commençait à s'user un peu, que sa petite queue se décousait, et que son bout de museau n'était plus si rose, à force de recevoir de gros baisers.
- Besoin de ce lapin pour dormir ! grommelait-elle. Tant d'histoires pour un jouet !
Le garçon se redressa dans son lit, indigné.
- Faut pas dire ça ! Ce n'est pas un jouet. C'est un vrai lapin !
Cette nuit-là, son bonheur trop grand faillit l'empêcher de s'endormir, et son petit coeur en sciure de bois manqua d'éclater de tendresse.
Si un enfant nous aime beaucoup, dit le cheval à roulettes, pas seulement pour jouer, s'il nous aime longtemps et réellement, alors on devient vrai.
Le garçon le serrait fort, parfois même il l'écrasait dans son sommeil ou l'enfonçait sous l'oreiller, au risque de l'étouffer mais le garçon lui faisait des confidences et lui aménageait de petits tunnels sous les draps. - Comme les terriers des vrais lapins, disait-il.
Car la magie d'une chambre d'enfants est un mystère, et seuls les vieux jouets pleins d'expérience peuvent en deviner les secrets.