Le
Ménon (voir critique précédents de
Protagoras et
Gorgias) clôt ma trilogie personnelle sur les discours de
Platon contre les sophistes. Son intérêt est qu'il aborde le souverain bien cher à
Platon sous un angle différent, se questionnant -enfin- sur la capacité du philosophe à connaître l'essence même de la vertu.
La démonstration par le système d'Empédocle, qui fait penser à celles que construiront
Descartes, Pascal,
Kant ou Alain, est assez joliment amenée, passant par la
physique, pour constater que les formes et les couleurs varient, mais que l'essence de l'objet devrait persister...sans qu'il soit possible pour autant à la perception humaine de la définir...
Comme dans le
Lysis et
Charmide, la tentative de
Ménon d'assimiler le bien à la satisfaction du désir ou au beau échoue également face au questionnement de Socrate... simplement parce que, pour
Platon, la vertu ne peut être que dans le juste, valeur supérieur idéalisée.
La suite du Discours -et c'est là un autre de ses intérêts, car
Platon ne va pas si souvent sur ce terrain- va prnedre une connotation religieuse et spirituelle : Socrate, faisant le détour par la croyance en une immortalité
de l'âme, capable de réminiscence, va démonter que, malgré son scepticisme habituel, le questionnement sur les vérités premières, même voué à l'échec et ne pouvant se reposer que sur la raison, mérite d'être posé, car renvoyant à l'essence même
de l'âme. Ainsi, la recherche par hypothèses et la science évolutive ont plus de valeur que la raison vraie elle-même, que l'on ne peut atteindre avec certitude.
Encore une fois, dans ce dialogue,
Platon me semble préfigurer
Kant, et rejoindre certaines pensées orientales en expliquant qu'il s'agit avant tout de poursuivre un chemin levant peu à peu le voile des ignorances, et non d'atteindre nécessairement la connaissance absolue par une vertu foudroyante, qui, certes est accessible aux hommes, mais de manière aléatoire ; pour les anciens grecs, par la bénédiction -alléatoire- des dieux.
Ce discours m'a plus plu que le
Gorgias, car
Platon sort un peu de ses démonstrations habituelles. Dans ce dialogue, je le trouve assez proche d'
Aristote, que je lui préfère, pour son monde de diversité et de relativité prudente, là où
Platon se complaît dans un monde d'idées pures dont la mauvaise lecture peut mener à bien des excès...