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Citations sur Les filles de Caleb, tome 2 : Le cri de l'oie blanche.. (21)

- Et alors, Émilie, est-ce que les enfants ont attrapé des chardonnerets ?
La distraction était bienvenue. Elle pensa rapidement au lendemain de l'arrivée des cages. A l’excitation des enfants qui étaient partis seuls pour le Bourdais. A leur retour. Au fait qu'elle avait dû sévir parce que dans chacune des cages il y avait plus d'un oiseau. Chaque enfant avait libéré un, deux ou trois oiseaux, pour n'en garder qu'un. A la scène que Blanche avait faite.
"Oui, trop. Ils ont dû en relâcher. Mais Blanche , elle, a jamais voulu choisir. Elle a pleuré en regardant voler ceux que le hasard avait désignés et quand son tour est arrivé, elle a pas voulu choisir.
- Choisir quoi ?
- L'oiseau qu'elle libérerait. Blanche pleurait comme une vraie Madeleine, en me disant qu'elle avait pas le droit de choisir. Que peut-être que l'oiseau qu'elle garderait était celui qui pouvait mourir d'ennui. Que peut-être que l'oiseau qu'elle libérerait était celui qui aurait le plus besoin d'elle pour le nourrir. Faut vous dire que Blanche avait pas voulu attraper plus de deux oiseaux. Une "paire d'amis", qu'elle disait."
Émilie termina son histoire en riant mais, le curé Grenier ne riant pas, elle cessa, consciente qu'elle ricanait nerveusement. Ce qu'elle venait de raconter n’était pas tellement drôle. Elle venait de lui dévoiler un grand drame, un grand chagrin d'enfant.
"Et qu'est-ce qu'elle a fait, votre Blanche ?
- A sa tête, monsieur le curé. Étant donné qu'elle pouvait pas garder les deux, elle en a pas gardé du tout."
Le curé Grenier hocha la tête, tristement pensa Émilie. Il la regarda puis lui sourit d'un sourire faible.
"Elle est bien sage, votre Blanche. Elle vient de nous donner une grande leçon...."
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Le silence d’Ovila la troubla, certes, mais, au fil des jours et des semaines, aux changements de couleurs dans les champs, devant l’imminence de la rentrée scolaire, elle passa rapidement des larmes à la colère, teintant au passage ses émotions d’humiliation, de désespoir, de peur, d’affolement, d’insécurité, mais aussi, de plus en plus fréquemment, de soulagement.
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Maintenant, elle devait répondre. Avouer qu’elle n’en savait rien. Elle décida de parler ouvertement. De toute façon, le curé saurait les mots qu’elle tairait. Et elle parla pendant ce qui lui sembla une éternité. De leurs derniers mois à Shawinigan. Des dettes. De sa peur. Du fait qu’elle avait obligé Ovila à fuir, de son départ précipité à elle. Elle prit conscience qu’elle avait des sanglots dans la voix et des larmes dans les yeux mais elle les refoula. Elle n’allait quand même pas pousser le ridicule jusqu’à pleurer devant quelqu’un! Tantôt le curé la regardait bien en face, tantôt, devant son trouble, il détournait le regard, visiblement mal à l’aise, lui aussi. Pourtant, il l’interrompit.

— Cessez, Émilie. Vous savez aussi bien que moi que, dans notre belle religion, l’eau a toujours eu des effets de purification. Laissez donc l’eau de votre corps purifier votre âme troublée.

Émilie renifla à deux reprises. Au lieu de la calmer, le curé venait d’attiser une colère qui grondait depuis longtemps.

— Dans notre belle nature, monsieur le curé, si on se coupe, on peut saigner à mort. Si on brise une digue de castor, l’eau arrête plus de couler. Quand une femme perd ses eaux, elle peut plus empêcher la souffrance de la naissance. Quand les nuages crèvent, la pluie peut pas faire autrement que de tomber. Ça fait que, monsieur le curé, étant donné que j’ai neuf bouches à nourrir, faut surtout pas que je laisse la pluie venir faire pourrir mes récoltes!
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Blanche pleurait comme une vraie Madeleine, en me disant qu’elle avait pas le droit de choisir. Que peut-être que l’oiseau qu’elle garderait était celui qui pouvait mourir d’ennui. Que peut-être que l’oiseau qu’elle libérerait était celui qui aurait le plus besoin d’elle pour se nourrir. Faut vous dire que Blanche avait pas voulu attraper plus de deux oiseaux. Une «paire d’amis», qu’elle disait.
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— Je me demande, Émilie, qui, de lui ou de vous, a le sentiment d’être en cage. C’est tout.
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Émilie le regarda bien en face. Tout à coup, sans qu’elle sût pourquoi, elle se revit dans l’étable avec son père, ce matin où elle lui avait parlé de ses projets de mariage avec Henri Douville. Le curé Grenier n’avait pas de mèche rebelle, mais il avait une barbe ébouriffée qui compensait bien. Il n’avait pas d’enfant aussi mule qu’elle l’avait été, mais il avait des paroissiens qui ne donnaient pas leur place. Et dans ses yeux comme dans ceux de son père, il y avait cet air moqueur, cet air qui semblait lui dire: «Tu ne pourras rien me cacher.» Le pire, pensa Émilie dans son malaise, c’est qu’il avait probablement raison. Elle commença à se tordre sur sa chaise. Le curé lui demanderait des nouvelles d’Ovila qu’elle n’en serait pas surprise. C’est ce que Caleb avait fait quand il avait senti son malaise, ce matin-là dans l’étable.

— Dites-moi donc, Émilie, est-ce que vous avez eu des nouvelles de l’Abitibi?
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Non. Ovila la connaissait tellement bien qu’il savait qu’elle quitterait Shawinigan. Il savait qu’elle rentrerait à Saint-Tite, le seul endroit au monde où elle pouvait respirer. Il savait. Il avait toujours su. Mais lui… Émilie ferma les yeux. Lui, il avait dit que jamais il ne reviendrait dans ce village maudit! Lui, il avait dit qu’il avait quitté Saint-Tite pour toujours.

Émilie s’essuya une joue du revers de la main. Est-ce que, pour la première fois de sa vie, Ovila s’en tiendrait à ce qu’il avait dit? Non. Certainement pas. Jamais il n’avait tenu parole. L’entêtement d’Ovila était aussi malléable que la glaise. Ovila avait le cœur tendre et l’ennui facile. Ovila reviendrait. Demain. La semaine prochaine. Dans un mois. Mais il reviendrait parce qu’il savait. Jamais ils ne pourraient vivre l’un sans l’autre. Ils le savaient tous les deux.
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«Mon Dieu! Ovila. Qu’est-ce qu’il reste de nous deux? Un trou? Un vide? Je ne sais même pas où tu es. Qui a démoli notre maison, Ovila? Ta mère nous avait dit que nous pourrions y revenir quand nous le voudrions.» Émilie pleura son désespoir. Elle avait rêvé qu’Ovila l’attendrait à la gare mais il n’avait pas été là. Elle avait ensuite cru, fort naïvement peut-être, qu’ils se réinstalleraient tous dans la maison et que ses enfants retourneraient à la petite école. Elle avait presque réussi à se convaincre qu’Ovila ne boirait plus jamais et qu’ensemble ils reprendraient les rênes de la vie. À regarder grandir les enfants. À vieillir, lentement, doucement, comme tous les autres. Elle avait espéré qu’il avait compris son cri à elle lorsqu’elle lui avait demandé de quitter Shawinigan. Pouvait-il, en ce moment, penser qu’elle était demeurée à Shawinigan? Se pouvait-il qu’il la connaisse si mal?
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Émilie eut un sourire triste et sortit, retenant la porte derrière elle pour l’empêcher de claquer. Dehors, elle regarda le chemin qui menait au lac à la Perchaude. Elle ne voulut pas s’y diriger, choisissant plutôt de marcher en direction de la montée des Pointes. S’avançant d’un pas d’abord lent, elle accéléra au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de son objectif. Puis, tout à coup, elle s’immobilisa. Son visage, de rouge qu’il était, passa rapidement au gris. Devant elle, un trou, un immense trou bordé de pierres! La maison! Quelqu’un avait démoli la maison. Elle trouva une roche et s’assit. Elle déposa Rolande sur l’herbe et l’enfant commença à s’animer sur ses genoux potelés.
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Mais quelque chose dans les yeux de sa mère la fit se taire. Quelque chose qui lui avait fait penser à un petit oiseau qu’elle avait trouvé à Shawinigan, au printemps, le bec grand ouvert et le corps à peine couvert de duvet. Un oisillon tombé d’un nid. Marie-Ange avait pris ce petit oiseau dans ses mains et elle avait senti son cœur battre terriblement vite. Elle l’avait regardé et l’absence de plumes lui avait permis de voir des veines bleues. Probablement, avait-elle pensé, celles du cœur. Dans les yeux de sa mère, elle avait vu le même regard que dans ceux de l’oisillon tombé du nid et blessé à l’aile. Marie-Ange avait senti la peur de l’oisillon. Elle regarda sa mère encore une fois et comprit qu’elle aussi avait peur. Alors, sans dire un seul mot, elle se glissa par terre comme ses frères et ses sœurs et commença à serpenter doucement à travers les brins d’herbe. Elle entrevit sa mère qui frappait à la porte et se demanda pourquoi elle n’était pas entrée comme elle l’avait toujours fait.
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