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Critique de Patsales


En mars 2019, le cyclone Idai va dévaster le Mozambique. le narrateur, poète reconnu invité pour une conférence dans sa ville natale, Beira, ignore qu'il va bientôt être balayé par les éléments, alors que le lecteur, lui, le sait. Et c'est dans la tension d'un compte à rebours que se déploie l'histoire - ou plutôt les histoires.
Diogo Santiago est revenu sur les lieux de sa naissance moins pour tester sa gloire que pour enquêter sur sa famille et sur son pays, le Mozambique, lorsqu'il était à la veille de son indépendance, mais encore sous le joug de la dictature colonialiste portugaise. Une admiratrice, Liana Campos, lui remet une liasse de documents dont la mise au propre correspond au livre que nous tenons entre nos mains: elle a découvert ces papiers chez son père, ancien membre de la police politique de Salazar; ils avaient été rassemblés pour incriminer le poète, militant et journaliste Adriano Santiago, lui-même père de Diogo.
Le livre fait alterner la voix du narrateur, Diogo, et la retranscription des différents documents, interrogatoires, journal intime et de cet ensemble surgit moins une vérité que la mise en cause du récit par lui-même. Si certains faits ont pu être reconstitués, concernant notamment la disparition volontaire puis la mort de son frère Sandro, les motivations des différents protagonistes restent opaques, naviguant entre héroïsme et veulerie, sadisme et désir de se racheter. Ni la guerre de libération naguère, comme le cyclone de 2019, ne vont purifier le pays: le déchaînement de la violence n'aboutit qu'à plus de morts et la dictature communiste a succédé à la dictature coloniale.
Mia Couto a écrit un grand roman amnésique sur des gens qui ne peuvent compter sur leurs souvenirs. Dans "Le Monde", il a ainsi expliqué pourquoi ce livre gigogne relate l'impossibilité de savoir: « le Mozambique, comme tous les pays, est fait de mémoire et de souvenirs. Pour cette nation jeune, il est nécessaire d'oublier ce qui peut diviser. Dans mon roman, il y a l'intention d'oublier le massacre d'Inhaminga [commis entre 1973 et 1974 par les troupes portugaises]. Un pays est pour beaucoup une oeuvre de fiction. Oublier [...] est un choix que la nation a opéré pour créer un sentiment d'unité. La littérature est importante parce qu'elle ouvre une porte sur cet oubli, qui est toujours un mensonge. »
J'ai lu que Couto était nobelisable et je veux bien le croire. Sans doute aussi "Le Cartographe des absences" est-il un chef d'oeuvre. Mais je dois bien reconnaître ici mes limites: je sais gré aux écrivains qui laissent la possibilité de les lire avec innocence. Ici, trop de symboles pour ne pas se sentir obligé de les déchiffrer ; en guise de vice impuni, la lecture a tourné au pensum.
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