L'homme allongé et autres nouvelles...

Il faut de tout pour faire un monde.
Il me faut toi pour faire le mien.

-Anonyme-
[À coeur perdu]

Georges n'a pas dit à sa femme que depuis quelques semaines il souffre d'insomnie. La raison est simple, il ne souhaite pas lui révéler qu'elle est à l'origine de cette nouvelle et calamiteuse occurrence nocturne.

Parfois il venait l'observer pour le seul plaisir des sens cette Alchimiste, cette Grande Prêtresse de la dépouille mortelle qui savait doser avec adresse les quantités exactes d'aldéhyde formique à injecter dans les artères d'un cadavre. Virtuose de la mort, Valentine avait le métier dans la peau. A tous les coups ça mettait des larmes d'émotion dans les yeux de Roméo.

Toute sa vie de mère, Rosine l'a consacrée au bien-être de son Pierrot, à ses exploits dans les affaires, à sa réussite. Elle avait eu la chance de devenir veuve très vite bon débarras et s'était retrouvée heureuse, en tête-à-tête avec son unique enfant dans la grande maison qu'avait fait construire feu son mari Dieu ait son âme. Ou pas. Honnêtement, elle s'en fout.

Le mot clé dans cette phrase, celui qu’il faut retenir et qui résume assez bien sa vie depuis des mois est : ‘désespérément’, pas de doute. Il veut bien philosopher Roméo, veut bien raisonner, méditer, arguer… tout ce qu’on veut mais, au final, il faut bien se rendre à l’évidence que la vie est un assemblage extravagant de moments merveilleux et d’emmerdements de premier ordre.

Il admire les huiles rutilantes de lumière, débordantes de sensualité. Les couleurs impétueuses, épaisses et gourmandes, donnent à Thor l’envie de toucher, de goûter presque. Il enlève un gant, approche un index prudent pour caresser, ici, le bleu d’une nuit tourmentée, là, le rose d’un pétale qui semble vouloir se décrocher pour flotter jusqu’au sol et, un peu plus loin, le rouge orangé d’une lune d’automne sur les blés gras et barbus d’un champ immense.