En 75 pages, une hilarante géopolitique culinaire de la subtile vengeance conjugale. Avec un goût inimitable de canard laqué, bien sûr.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/12/06/note-de-lecture-
laque-guillaume-couty/
Jeune fonctionnaire municipal, Lucas est chargé de répondre aux « courriers imbéciles » adressés à la Mairie de Paris. Lucie, à peine à la sortie de ses études, assure en simple stagiaire en agence la communication de diverses associations. M. Hu préside une association de développement économique franco-chinoise, pour
laquelle travaille l'agence de Lucie. Pilier de bistrot, Graveur est un militaire retraité, dont on ne saura pas d'abord (ni même ensuite) s'il a réellement côtoyé les forces spéciales ou s'il a un penchant mythomane s'épanouissant avec l'âge. On doit encore ajouter – c'est important pour la parfaite réussite du cocktail – un x de l'ambassade de Chine à Paris, une co-locataire de Lucie, une voisine de palier de Graveur et . Ce casting hautement improbable et totalement réjouissant est pourtant bien celui qui va se retrouver mêlé, dans et autour de l'Hôtel de Ville de Paris, à un surprenant mélange de casse du siècle, d'attentat gastronomique, de vengeance conjugale et de passe d'armes géopolitique.
Il faut un talent bien particulier pour parvenir à insuffler la juste dose d'humour, de farce et, néanmoins, de discrète méditation littéraire et politique dans le maniement des clichés et des types qui hantent nos imaginaires, livresques et filmiques tout notamment. Comme
Steven Soderbergh dans sa série des « Ocean's » (on pensera surtout, vous le lirez, à l'opus 12 avec sa mission initiale à Amsterdam), comme
Michel Hazanavicius dans ses deux « OSS 117 »,
Guillaume Couty, avec ce « laqué » publié chez Antidata en septembre 2022, connaît la bonne manière d'ajuster les ingrédients pour rendre délectable ce mets si spécifique. Comme le
Pierre Barrault de «
L'aide à l'emploi » ou de «
Protag », il s'agit aussi ici de manier des registres linguistiques parodiques et soigneusement intriqués (à l'image du bref monologue intérieur de M. Hu cité ci-dessous) pour que le télescopage des figures faussement ordinaires et des personnages devenus soudain grandiosement baroques s'inscrive, à merveille, dans une réalité décalée qui use de chaque petit interstice laissé libre par le réel et par l'attente automatisée de la lectrice ou du lecteur. Et c'est par ce brio étourdissant que sera bien in fine révélé le rôle exact d »un canard laqué décidément pas comme les autres.
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