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Critique de le_Bison


Le vieil écrivain se retrouve assis dans son fauteuil en cuir, une odeur de vieux cigares, les accoudoirs râpés par l'usure du temps, tachés par quelques gouttes de vieux whisky et de maté. Il a l'âge d'en finir se dit-il. Alors, il se souvient. Il n'a plus que le souvenir, les réminiscences d'un jeune garçon prénommé Víctor dans les années cinquante à Buenos Aires.

Ses souvenirs le font remonter à une éternité. Il se retrouve adolescent timide, mal à l'aise dans sa famille aux notes trop bourgeoises pour ses aspirations littéraires. Peu de camarades, il ne voit guère de monde dans une vie déjà solitaire, bon élève, fils discipliné, quelques contacts avec sa cousine Cecilia qui lui donna ses premiers émois sexuels.

J'aime cette littérature intimiste, l'écrivain qui s'écrit, le vieil homme qui se souvient avant de basculer de l'autre côté. J'y vois tant de nostalgie et de mélancolie, surtout avec une plume délicate telle que je la découvre sous l'encrier d'Edgardo Cozarinsky. Et dans ce genre de roman, je ne peux m'empêcher d'y voir des éléments autobiographiques d'un auteur se mettant en scène. Un roman sur un écrivain qui écrit un roman, c'est devenu du classique dans mes lectures, depuis Paul Auster, que j'admire toujours autant, même s'il se fait rare. Rare aussi doit l'être Edgardo, parce qu'avant ce titre trouvé par hasard, je ne le connaissais pas.

Un soir, Víctor entra seul dans un cabaret où une star vieillissante de tango se produisit devant le regard de quelques connaisseurs d'un autre temps. Il n'a pas l'âge et sa nature pourrait dénoter si la pénombre des lieux n'avait pas submergé l'espace et si les lumières ne se dirigeaient pas exclusivement vers cette musique du passé. Recroquevillé sur lui-même, le dos contre le mur, il se laisse happer par ce parfum de mystère qui s'envole au milieu des volutes de cigares cubains. Pourtant, un homme, Andrés va le remarquer. de là, naîtra une étrange amitié entre un homme d'âge mur, et ce pré-adolescent qui ne demande qu'à connaître la vie. Parce que pour écrire, il faut vivre d'abord.

De cette rencontre et cet échange de regard dans un coin sombre d'un cabaret oublié, la relation entre ces deux êtres restera un événement déterminant pour le jeune écrivain en devenir. Andrés lui paiera de nouveaux vêtements – un jean même – lui paiera des restaurants, lui paiera des week-ends, lui fera découvrir des connaissances – à l'accent germanique. Une autre vie s'ouvre à ses yeux. Il lui paiera aussi une vieille pute, des émois bien plus intenses qu'avec sa jeune cousine. Il est sous le charme de cet « ami » qui a le double de son âge et probablement un autre nom, comme j'ai pu être également sous le charme de la qualité d'écriture de l'auteur argentin.

Je ne danse pas le tango – ou très mal - mais je ne refuse jamais de prendre un verre avec un auteur argentin, un défaut une tasse de maté. C'est que j'éprouve une certaine tendresse, même passionnée, du tango argentin, qu'il soit à Paris ou à Buenos Aires, avec ou sans tablette de beurre. Et quand il est question d'éducation sentimentale, j'aime explorer ces sentiments profonds, ceux en l'occurrence qui ont amené à la naissance d'un écrivain.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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