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Citations sur Dark (10)

- Kintsugi. Vous avez entendu parler du kintsugi ?
- Non.
- C’est l’art japonais qui consiste à remplir les fissures d’un objet brisé, de porcelaine par exemple, avec de la résine où on a dilué de la poudre d’or. Au lieu de dissimuler la fente on la souligne avec une substance lumineuse, qui a parfois plus de valeur que l’objet même. C’est ainsi qu’on ennoblit l’objet : au lieu de cacher les cicatrices de la vie, on les exhibe.
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Où habitait la Chinoise, se demande-t-il, mais aussitôt il rejette toute possibilité réelle et commence à se faire tout un roman. Elle dort au café, n’en sort jamais, se réveille à l’aube et ferme à la fin de l’après-midi, une fois éteinte l’animation somnambule de la journée, aucun oiseau nocturne ne choisirait de faire escale dans un réduit aussi dépourvu de charme, chaises sur les tables, pieds dressés qui dessinent un labyrinthe sépulcral. À cette heure-là, la vieille femme se retire dans une arrière-boutique crasseuse, murs lépreux, odeur de pipi de chat, que seuls rachètent… quoi ? L’adolescent devenu vieux mais infatigable propose : un paysage du pays perdu, imprimé dans les couleurs déteintes d’un almanach. Ou encore : une maxime de Confucius encadrée par des baguettes rouges, dessinée en caractères traditionnels qu’elle ne sait pas lire mais qui, elle en est sûre, la protègent par leur sagesse distante. (Savait-elle qu’à la même époque, au pays de ses ancêtres, le Grand Bond en avant avait proscrit l’enseignement de Confucius ?) Multiples sont les voies de la fiction.
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Il n’avait jamais franchi la porte de l’hôtel, jamais il n’avait mis les pieds dans ce restaurant ; cette omission permettait d’imaginaires mises en scène. Au bar du restaurant, il en était sûr, l’attendaient des cocktails aux noms exotiques et aux couleurs artificielles. Il se voyait arrivant à l’hôtel, suivi de nombreux bagages couverts de ces étiquettes qui, il ne pouvait le savoir, n’existaient plus que dans les bazars de la nostalgie, paysages au-dessus du nom d’un hôtel européen, du Train Bleu ou de l’Orient-Express. (Il reconnaîtrait un peu plus tard, tout honteux, que cette fiction était déjà vétuste à cette époque, résidu de matinées dans des cinémas de quartier dont le triple programme exhumait des films de décennies passées ; son imaginaire mise en scène serait bientôt corrigée par d’autres décors, d’autres accessoires. Sac à dos et motel. Jack Kerouac était intervenu).
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Le vieil écrivain ne peut s’empêcher de sourire. Il admet que ce qui a survécu dans sa mémoire de ce moment que bien des gens imaginent capital dans la vie de tout homme, c’est moins une prodigieuse exaltation que certains superbes à-côtés : le ciel de plomb qui annonçait l’orage vu par la fenêtre de la chambre de Cecilia, gris dense traversé par de fugaces franges jaunes et rose ; les ragas de Ravi Shankar qu’elle avait choisis comme musique pour accompagner leur rencontre et qu’il entendait pour la première fois ; le parfum préféré de sa cousine, qui imprégnait draps et oreiller et que toute sa vie il ne retrouverait en aucun autre. Cecilia l’aida à atteindre la prestance nécessaire, le guida avec fermeté et sans hâte, lui indiqua les mouvements qu’il trouverait très vite spontanément et soupira, satisfaite, quand son cousin, sans aide ni indications cette fois, atteignit le rythme recherché et déchargea très vite, trop vite peut-être, tout son désir inexpérimenté.
- Très bien. Maintenant tu vas m’aider.
Víctor, qui émergeait à peine de la « petite mort », lui laissa prendre sa main et la porter entre ses jambes. Cette fois, il n’eut pas besoin qu’on guide ses mouvements, il explora, caressa, pinça cette humide et tiède intimité jusqu’au moment où un soupir de Cecilia, profond, étouffé, lui fit comprendre que sa mission était accomplie.
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Anahí prit Víctor par la main et sans un mot l’emmena dans la chambre. Il n’eut pas à se déshabiller. Avec des baisers et des caresses, lentement, elle lui ôta sa chemise, lui baissa son pantalon, pendant que sa bouche parcourait chaque centimètre carré de peau qu’elle découvrait. Quand elle lui enleva son slip, elle souffla doucement sur les poils qui entouraient son sexe déjà éveillé et lui fit découvrir un plaisir qu’il n’avait pas connu avec Cecilia. Lèvres et langue exécutaient des variations nouvelles pour le corps de Víctor et quand Anahí l’entraîna sur le lit en se couchant sur le ventre, ce fut pour lui montrer une nouvelle possibilité d’exploration du corps d’une femme.
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Et en même temps, reconnaît l'écrivain, c'est précisément cet interdit, que les deux amis respectaient sans même imaginer son existence, et encore moins la possibilité de la transgresser, qui rendait plus forte, plus dense, plus obscure leur relation.
p. 56
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Un autre après-midi, pendant qu’ils attendaient le début de la projection de Un été avec Monika, elle porta ses regards sur la braguette de son cousin et lui demanda :
- Et avec ça, comment tu te débrouilles ?
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... il se rappelle que ce n'est que des mois plus tard, quand il se résignera à suivre le conseil de son médecin - ne plus appeler les urgences, qui se contentent de lui donner un somnifère tellement fort qu'il en reste stupide une partie du lendemain -, qu'il entendra parler de crise de panique, lorsqu'il acceptera de s'en remettre à un autre médecin dont la spécialité lui a toujours inspiré de la méfiance, psychologue, psychanalyste, psychiatre, comment confier son âme à quelqu'un qui n'a pas lu Dostoïevsky ni Saint Augustin, mais quoi qu'il en soit il accepte de se ranger à son avis et de se soumettre à un psychotrope, qu'il abandonnera bientôt pour chercher et trouver un remède dans les mots, ou plutôt dans dans le fait de les écrire sitôt que s'annonce la crise, de les mettre dans un certain ordre. il a recours alors à son cahier ou à l'écran et écrit quelque chose qui un ou deux jours plus tard lui semblera peut-être bon à jeter, ou qui au contraire le surprendra en lui révélant qu'il est descendu tout au fond d'une obscurité enfouie, dont il constate alors, non sans honte, qu'il avait choisi de l'éliminer, que jamais il n'aurait osé la convoquer en dehors de ces nuits d'épouvante, dans cet état que d'autres appellent normal et dont il a compris, lui, qu'il s'agit de la sournoise censure à laquelle sa vie quotidienne a cédé.
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Les lupanars de ce quartier, à peine quelques blocs d’immeubles d’Avellaneda qui n’ont rien d’une île, à moins que par île on entende l’isolement, moins urbain que moralisant, qui a mis une distance entre l’Avellaneda industrieuse, décente, et « un district de lanternes rouges » à l’extrémité du pont transbordeur qui unit la Boca à cette ville voisine de Buenos Aires – les lupanars de l’Île, il en connaissait l’existence, la légende s’en est chargée. Mais à l’époque de l’apogée du trafic maritime, quand tout le « Bajo » portègne, depuis le quartier Retiro jusqu’au Riachuelo, était réservé à la « mauvaise vie », certains soutiennent qu’à la Boca, d’autres disent dans l’Isla Maciel, deux fumeries d’opium s’offraient au plaisir d’équipages orientaux et à la curiosité de quelques fils de bonne famille. Soit dit en passant, c’est dans l’Isla Maciel que se trouvait La Lanterne Rouge, décrite par Manuel Gálvez dans son roman Historia de arrabal, scène de fréquentes bagarres entre marins échauffés par l’alcool et les « vues » pornographiques.
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