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Citations sur J'ai traversé la manche à la nage (5)

Printemps 1994, je suis donc là, abasourdi par ce qui vient de m'arriver. Je sens encore profondément dans ma chair le courant électrique qui prend possession de moi, me scotche, me vole mon corps, le réduit à un vulgaire fusible en train de griller. Mon cerveau abruti de douleur parvient toujours à réfléchir, presque froidement, alors que je comprends bien que mes membres brûlent. A mes oreilles résonne ce son si spécial que fait l'électricité quand elle assassine un être humain.
C'est un de ces rares sons qui ont la capacité de détruire une vie.
D'abord le claquement d'une décharge, puis le bourdonnement ininterrompu de milliers de ruches.
Trois fois. Car j'ai été électrocuté trois fois.
A ce son terrible s'ajoute la vibration de l'électricité qui se rend maîtresse de chaque muscle, étouffe les cellules en les carbonisant subitement.
Il suffit d'un milliardième de seconde, un flash monstrueux, une détonation incroyable quand le courant pénètre dans le corps. Un milliardième de seconde pour comprendre que c'est fini, qu'on va mourir.
Un milliardième de seconde, c'est si court.
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Si je l'ai fait, si j'ai traversé la Manche, c'est pour lancer un cri. Un cri immense :
Je suis toujours là !
Je suis toujours vivant !
Regardez comme je suis entier, moi, avec mes quatre membres en moins.
Oui. Cette traversée est un cri.
Un cri d'amour...
... à la vie.
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Prendre son passeport pour le monde du handicap n’est pas évident. C’est un univers étrange, fait de reconstructions douloureuses, et surtout, le silence y règne. On y est très seul, on s’y renferme sur soi-même. On n’y aspire qu’à retrouver la vie qu’on avait avant, même si, quoi qu’on accomplisse, ça ne sera jamais vraiment la même chose.
Mais surtout, c’est un monde qui réclame de la vie ! Tellement de vie ! Alors qu’il comporte tellement de peur. La peur ! C’est notre pire ennemi, à nous, les handicapés.
Les gens ont peur de nous regarder, dans la rue, les patrons ont peur de nous recruter. C’est toujours elle, la peur, qui nous freine et nous plombe. Irrémédiablement. Les valides ont peur d’aller vers les handicapés, les handicapés ont peur d’aller vers les valides. Tout le monde a peur, tout le temps.
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Meetic = amour ?
J'étais tout seul, maintenant je fais rire des gens que je ne connais même pas. Ma vie est soudain envahie, à travers ma messagerie.
Mais un jour, il faut bien arriver au moment fatidique :
"- Ah au fait j'ai oublié un détail.
- Oui quoi ?
- Je suis une personne handicapée.
- Ah bon t'as quoi ?
- Bah euh, j'ai perdu mes bras et mes jambes dans un accident, mais c'est pas grave hein ? On continue à discuter ?
- ...
- Oui ?
- ...
- Y a quelqu'un ?
- ...
- Ah bah non y a plus personne."
Et c'est fini. Même pas au revoir, rien. Juste le vide intersidéral qui répond aux désirs à sens unique. L'écho, en face, s'est tu brusquement.
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Jamais entraînement ne m’a autant mis à l’épreuve. La mer en furie me ballote dans tous les sens pour se venger de mon impudence. Je lutte contre les vagues qui m’envoient de grandes claques gelées. Paf, un coup sur la droite. Paf, un coup sur la gauche. Je vomis un nombre incalculable de fois et manque me faire assommer par les véliplanchistes qui ne voient pas mon petit crâne perdu, seul, dans les vagues.
Je reviens sur le sable exténué mais assez content de moi : j’ai tenu !
Je fixe mon coach avec les yeux d’un chien battu réclamant une bonne caresse réconfortante.
Valérie me toise.
Elle regarde sa montre.
Je la regarde, tout content. Si je le pouvais, je frétillerais.
Elle me fusille :
« Tu as fait 4 heures 55. J’ai dit cinq heures. Tu repars. »
Paf. Pire que les vagues. Ouille.
… et j’y retourne pour à peine cinq minutes.
Quand je m’échoue comme une otarie au bord de l’apoplexie, elle ne me laisse même pas reprendre ma respiration :
« Quand tu seras dans la Manche, tu t’arrêteras cinq minutes avant la fin ? A quoi tu penses ? »
Et elle me plante là, sur le sable imbibé des crachats du ciel.
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