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Critique de Lamifranz


A quoi reconnait-on les bons auteurs ? A beaucoup d'indices, mais il en est un imparable : la pérennité. Un auteur écrit un chef-d'oeuvre, je dis bravo ! Il en écrit deux, je dis hip hip hourrah ! il continue bon an mal an à produire des ouvrages de qualité variable, mais toujours supérieure, alors je dis monsieur je vous tire mon chapeau, madame je vous baise les mains, vous êtes un vrai auteur, vous êtes une véritable autrice.
A.J. Cronin fait partie des gens à qui je tire mon chapeau (ou plutôt ma casquette, ou même compte tenu de mes origines pyrénéennes, mon béret). Rendez-vous compte, son premier roman « le Chapelier et son château ») date de 1931, celui-ci (« Gracie Lindsay ») de 1973. Entre les deux, vingt-cinq romans, dont plusieurs chefs-d'oeuvre, plusieurs grands romans et pour le reste, des romans de moindre importance mais aussi soignés et aussi captivants que les autres.
L'histoire se passe à Levenford, une petite ville écossaise (fictive) où Cronin a placé déjà plusieurs de ses romans. Attention, grande nouvelle, Gracie Lindsay is back !. Grand branlebas de combat. Car ce retour inspire des sentiments mitigés à la population : son oncle, Daniel Nimmo, et sa femme Kate, sont ravis, Daniel la considère comme la fille qu'il n'a jamais eue ; David Murray, son premier amour, l'aime toujours, mais il est sur le point de se fiancer avec Isabel ; Frank Harmon, un vautour comme on en rencontre un peu partout, lui tourne autour avec ses grandes ailes ; et pour la population de Levenford, Gracie est cette traînée enceinte qui il y a sept ans a été chassée de la ville, chargée d'opprobre et d'humiliation. A la fois honnie et enviée, Gracie devra faire face à tous. Mais elle a 25 ans, elle est plus belle que jamais, et les cancans, si vous saviez comment elle les méprise, ça vous donnerait une idée de l'infini. Il faudra quand même passer bien des épreuves avant d'être à nouveau considérée par ses concitoyens – si elle y arrive.
Cronin nous livre un bon petit roman bien troussé : ici, pas de médecin, d'hôpital, d'infirmière, mais un magnifique portrait de femme, et qui plus est de femme libérée. Attention, quand je dis femme libérée, c'est femme libérée de 1911, mais même à cette date-là (et peut-être encore plus à cette date-là), être une femme libérée c'est pas si facile ! En tous cas, Gracie a du caractère, ne s'en laisse pas compter, et trouve même des soutiens ; mais la vie est là, qui se fiche pas mal des états d'âme des gens.
L'auteur, à son habitude, alterne scènes graves et scènes légères, avec infiniment de délicatesse et de sentiment : on suit le parcours pathétique de Gracie, et celle de son fils Robert, on est en pleine sympathie avec l'oncle Daniel et la tante Kate et leur ami l'apothicaire Hay, on est plus circonspect avec les deux soupirants de Gracie, David Murray et Frank Harmon… Cronin n'a pas son pareil pour nous faire « entrer » dans ses romans.
« Gracie Lindsay » est un grand Cronin, à défaut d'être un chef-d'oeuvre : c'est un roman qui (comme les précédents, du reste) fait certes la part belle aux sentiments, mais qui en revanche n'est jamais « fleur bleue » (et celui-ci moins que tout autre), ne sombre pas dans le pathos, mais reste d'un bout à l'autre authentique. Voilà un qualificatif qui colle comme un gant à notre auteur : Cronin est un écrivain authentique, il est d'une sincérité absolue avec le lecteur, il ne triche pas : les histoires qu'il raconte sont tout à fait crédibles et proches de nous, d'ailleurs, l'auteur ne nous les raconte pas, il les partage avec nous. Car Cronin n'est pas seulement un « bon » écrivain, c'est aussi un écrivain « bon ».



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