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Critique de fabienne2909


Donna Cross rend hommage à la papesse Jeanne, la seule femme jamais élue papesse (sous le travestissement toutefois d'un homme), mais (volontairement) oubliée à ce titre, elle dont le règne spirituel ne dura que deux ans, de 853 à 855.

Née Jeanne à Ingelheim, en territoire franc, d'un père chanoine et d'une mère saxonne, la vie de la petite fille ne fut pas placée de suite sous le signe de l'étude, malgré une prodigieuse intelligence. En effet, les filles, à cette époque où le raisonnement logique pouvait facilement être taxé d'hérésie, étaient considérées comme des êtres à l'intelligence limitée, et qu'il ne fallait cultiver sous aucun prétexte. Et le père, malgré son titre de chanoine, était un homme brutal aux idées étroites. Grâce à la ruse de Jeanne, il lui fut accordé d'avoir des leçons, et ce fut le début d'une ascension fulgurante qui la mènera jusqu'à la papauté, à la condition toutefois de se travestir en homme. Mais ce chemin spirituel ne fut pas sans embûches, ne serait-ce que parce que Jeanne fut rappelée toute sa vie à sa condition humaine par l'amour qu'elle portait à Gerold, un comte qui l'avait prise sous son aile à sa première arrivée à Rome, lorsqu'elle avait treize ans, et qui la soutint toute sa vie, avec une certaine élégance et abnégation.

« L'indomptée, le roman de la papesse Jeanne » est un ouvrage historique de facture classique, une biographie romancée d'une figure oubliée de la chrétienté plutôt plaisante à lire. J'ai aimé cheminer aux côtés de Jeanne, cette femme hors du commun, qui remettait tout dogme en cause, toute théorie surnaturelle quand une explication naturelle prévalait, la faisant avoir du mal à se soumettre à l'autorité quand elle ne la respectait pas, mais qui a su contourner tout obstacle avec une facilité déconcertante. Peut-être est-ce d'ailleurs une faiblesse dans la construction des nombreux événements qui jalonnent l'histoire de Jeanne qui ne m'a pas fait accrocher tant que ça à ce roman : on la force à se marier ? Les Normands sont venus envahir la contrée au même moment ; Jeanne revoit son père, qui menace de la dénoncer ? Il meurt d'une crise cardiaque sur le champ. Et ce ne sont que deux exemples de cette facilité, ou hasard bienheureux (ou de la volonté de Dieu, qui sait).
L'histoire d'amour avec Gerold confine aussi à la romance, avec quelques aspects un peu mièvres qui font quelque peu tache dans un roman historique (qu'il est beau cet homme, ne cessera de se répéter Jeanne).

Malgré ces défauts, j'ai trouvé certains aspects du roman intéressants : cette critique d'un monde patriarcal où les femmes n'avaient aucune place à part l'entretien du foyer et des enfants, et à qui on refusait toute considération, ce qui obligea Jeanne à abandonner son aspect féminin ; mais également une critique de la perception des valeurs religieuses, très rigoriste, qui ne laissait aucune place à la pensée par soi-même, la nouveauté (pourquoi faire du neuf quand on pouvait suivre la tradition ?), par une répression terroriste au sens premier du terme, certaines idées étant particulièrement dangereuses. La papauté prend également très cher, l'autrice décrivant un véritable panier de crabes, où les valeurs chrétiennes importaient bien peu face au pouvoir, puisque le plus souvent, les prélats étaient à leur place par le jeu des alliances politiciennes et l'héritage familial.

Donna Cross a su, malgré l'absence de sources précises et nombreuses, dépeindre une femme courageuse, qui est allée au bout de ses idées sans calcul ni ruse, uniquement à la force de son intellect. Une figure de femme stimulante et inspirante, étonnamment moderne.
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