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Critique de Stoffia


(Ma critique est longue et prend bien des détours, je m'en excuse d'avance.)

Il y a cette idée étrangement populaire que l'art devrait être "apolitique", qu'elle devrait éviter de sermonner, faire la morale et tout ça. Je crois que la "La Grande Oeuvre du Temps" est un excellent exemple des limites de cette approche.

Juste pour être clair :
- Je ne dis pas que toutes les oeuvres devraient être morales, ni même que la majorité des oeuvres devraient l'être. Un de mes réalisateurs préférés des David Cronenberg, dont tout les films soulèvent des enjeux éthiques extrêmement intéressants sans jamais y apporter de réponse. D'autres fois, un personnage doit seulement aller chercher un artéfact pour sauver la vie de son meilleur ami et c'est tout. Ça peut suffire.
- Je ne dis pas non plus que la qualité d'une oeuvre dépend de son message politique (ce dont on m'a souvent accusé ici). Je suis évidemment plus réceptif aux oeuvres qui résonne avec moi, mais j'adore celles qui me remettent en question. Et je considère que certains intolérants irrécupérables, comme Orson Scott Card ou Dan Simmons sont quand même de bons auteurs.

Alors, La Grande Oeuvre du Temps?

La prémisse est la suivante : Grace au voyage dans le temps, une société secrète fondée par Cecil Rhodes réussi à assoir la domination mondiale de l'Empire Britannique et amener la paix dans le monde. La Pax Britannica.

On explore donc, à travers une histoire éclatée aux chapitres dans le désordre (voyage dans le temps oblige), les modifications faites à L Histoire pour parvenir à cette fin.

Mais voilà où le bât blesse. le volonté de l'auteur est de "simplement poser une question". Pas de faire de la politique. Et la question qu'il souhaite poser est la suivante : Est que la fin légitime (la paix dans le monde) justifie le moyen (la modification de l'Histoire)? Aucune réponse n'est suggérée.

Pour parvenir à articuler sa question ainsi, l'auteur doit balayer une montagne de faits. Il doit par exemple :
- Supposer que les bonnes intentions de l'Empire Britannique sont sincères. Non pas une campagne de Relation Publique menée à l'étranger pour être acceptée, et à l'intérieur pour être réélu malgré les scandales quotidiens. Bref, accepter que le colonialisme servait un noble but.
- Ignorer les horreurs du colonialisme. Principalement le colonialisme britannique avec ses génocides, son travail forcé, l'invention des camps de concentration, l'addiction forcée à certaines drogues pour soumettre certaines populations etc.
- Ignorer le fait que Cecil Rhodes était l'un des pires colonisateurs de l'histoire de l'Empire. Il a ouvert la chemin à l'apartheid en Afrique du Sud en réduisant les droits (y compris celui de voter) des Noirs, croyait ouvertement à la supériorité raciale des blancs et la nécessité de leur domination sur les autres. (Parfois, il le disait ouvertement, parfois il disait le contraire, dépendamment de l'interlocuteur. Mais ses actes démontrent où son coeur penchait. Il est à l'origine de la seconde guerre des Boers, où plus de 250 000 ont été placés dans des camps dont le cinquième est mort en détention. (Et juste avant qu'on me dise que l'on doit juger selon les critères de l'époque. Rhode était une figure controversée pour toutes ces raisons PENDANT ces évènements.)

Le pire, c'est que l'oeuvre n'est pas mal écrite. L'histoire est complexe et prend les "règles du voyage dans le temps" au sérieux. Ça reste tout de même une oeuvre à laquelle il manque visiblement beaucoup de réflexion et de recherche. Assez pour gâcher la lecture.

(Pour les curieux qui comprennent l'anglais, mon podcast préféré a fait un épisode sur Cecil Rhodes ici. On y parle entre autre de la biographie douteuse à laquelle s'est référé Crowley pour écrire son histoire.
https://www.iheart.com/podcast/105-behind-the-bastards-29236323/episode/part-one-cecil-rhodes-the-first-72268571/ )
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