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Critique de domi_troizarsouilles


Ce petit livre tout à fait inclassable s'est retrouvé dans ma PAL, une fois de plus, par le biais des nombreux challenges auxquels je participe. Besoin d'un auteur portugais, qui était à l'honneur il y a plusieurs mois, mais j'ai « découvert » ce titre trop tard par rapport au challenge concerné : je l'ai donc entamé en sachant que je ne le terminerais pas dans les temps. À peu près à la même époque, un autre challenge proposait de pouvoir écrire le mot « scrabble » avec les lettres du titre… et tout à coup j'ai repensé à ce titre-ci !

Je l'ai entamé comme on se promène : puisque la nouvelle échéance était assez lointaine, je n'ai pas essayé de le lire vite, et ça tombe bien, car on furète dans un tel livre plus qu'on ne s'attache à une histoire passionnante. Certes, il y a une histoire, plus probablement un vrai fil conducteur, qui est bel et bien présent de bout en bout, mais assez souvent il est quand même plus ou moins masqué par les méandres de nombreuses pensées, diverses et variées, cocasses ou profondes, dénuées de tout sens / intérêt ou au contraire qui font tout à coup écho à un ressenti profond du lecteur…

On rencontre ainsi toute une série de personnages très typés et extrêmement bien présentés, parfois à la limite de la caricature, mais on sent tellement que c'est voulu, tout à fait délibéré, qu'on ne se pose aucune question sur cet aspect « cliché ». Nous sommes dans l'Alentejo au Portugal, on ne nous dit pas l'époque mais on est au moins au XXe siècle. C'est une terre agricole aride et dure, qui voit naître des habitants à sa mesure, tandis que ceux qui s'en éloignent, par exemple pour aller « à la ville », se dessèchent peu à peu.
C'est là que vit Rosa, élevée par sa grand-mère Antónia. Rosa grandit comme une jolie fleur des champs, peu instruite, quelque peu ingénue, mais pétrie de cette sagesse paysanne simple que lui a transmise Antónia, qui quant à elle décline de plus en plus, perdant peu à peu sa mobilité ou son ouïe, ne se déplaçant plus que pour aller de sa pauvre ferme à l'église, et retour. Rosa est une jeune fille trop belle, qui attire le regard des hommes sans trop s'en rendre compte, son seul souci étant de veiller sur sa grand-mère autant que possible, car elle lui est profondément attachée.

Autour d'elles gravitent plusieurs de ces personnages aux vies plus ou moins compliquées, qui se croisent, se frôlent, sans jamais vraiment se rencontrer réellement, du moins dans un premier temps. On a ainsi le professeur Borja, ancien prof d'université qui a dédié sa vie entière à la science (dit-il lui-même), volonté exacerbée par un drame familial qui ne sera révélé que bien tard. Miss Whittemore, vieille Anglaise excentrique et fortunée, a acheté un village entier abandonné de cette région désertique, et vit elle-même dans une immense maison aux pièces si grandes qu'on pourrait y loger des familles entières. Elle accueille chez elle un sage africain et un brahmane hindou, pour leurs échanges d'idées… tandis que les deux (qui ne s'avéreront finalement que des personnages très secondaires) profitent surtout d'une situation inespérée et de richesses qui leur sont offertes au jour le jour. Notons aussi le père Teves, curé du village, le genre même traditionnel qui voit partout le péché et n'hésite pas à condamner ses ouailles pour tout et n'importe quoi… tous ces péchés qu'il cristallise lui-même dans une relation SM régulière avec une prostituée. Et bien sûr Ari, le jeune berger un peu rustre mais profondément amoureux de Rosa, amour qu'elle lui rend d'ailleurs, jusqu'à un certain point.

Tout bascule quand Antónia, définitivement au crépuscule de sa vie, émet le souhait de voir la Terre sainte. Bien entendu, ni sa situation financière (ni celle de Rosa !), ni même son état de santé bien trop défaillant désormais, ne lui permettent un tel voyage. Mais qu'importe ! Poussés par des moteurs propres à chacun, peut-être l'Amour, ou une certaine ironie, les différents acteurs de ce livre vont faire le nécessaire : puisque Antónia ne peut aller à Jérusalem, c'est Jérusalem qui viendra en Alentejo.

Attention cependant : si cet événement est central dans l'histoire, ce serait une erreur de croire que c'est là le fil conducteur du livre. Comme je disais plus haut, on est bien davantage dans un petit roman jubilatoire, fait de 1.001 pensées et autres réflexions que l'on pourrait toutes retenir en citations – je n'en ai noté que quelques-unes, car sinon on n'arrête plus : on peut ainsi s'arrêter presque à chaque page ! -, tout en nous contant la vie quotidienne de quelques habitants typiques de cette région où il ne fait pas tout à fait bon vivre (à moins de jouir d'une certaine fortune), mais à laquelle les habitants profondément enracinés tiennent plus que tout.
Et cette histoire de Jérusalem, qui survient assez tardivement en plus, est surtout un catalyseur qui va conduire à un dénouement assez inattendu et pourtant parfaitement orchestré !

Pour moi ce livre a donc été un vrai bonheur à savourer par petits bouts. Sa langue poétique n'exclut pas quelques longueurs, notamment quand l'auteur part dans les divagations de ses trois « penseurs », qui m'ont bien un peu perdue et qui sont, paradoxalement, bien moins intéressantes que les réflexions très terre-à-terre mais autrement justes d'une Rosa, par exemple. Mais ce ne sont que quelques passages, tandis que le reste du livre oscille entre cette fable poétique plein de vérités que l'on pourrait retenir comme autant de citations, et une histoire sympathique, néanmoins empreinte de fatalité, d'une jeune fille qui aimait sa grand-mère plus que tout, malgré des conditions de vie bien difficiles. Un petit bijou !
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