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Citations sur Des torrents de sang et d'argent (3)

(…) dans un passage crucial du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire : « Ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’oeil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non-européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies, de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne. Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies d’Inde et les nègres d’Afrique. »
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Elle a suivi toute la conversation entre ces deux hommes blancs et elle trouve extraordinaire le naturel avec lequel ces Européens considèrent que toute chose en ce bas-monde leur appartient. Qu’il s’agisse de terres, de cheptels ou de familles, leur aptitude à ne les considérer qu’en termes de possession est remarquable. Bien qu’elle ait compris depuis des années, cette faculté exceptionnelle de prédation, elle n’en reste pas moins abasourdie. A l’instar de ces cauchemars où d’irrépressibles courants l’emportent vers une mort certaine, elle ressent à cet instant précis tout le poids de cette fatalité. Pire que les épidémies de peste bovine ou que les tempêtes de sable, ces peuples obscurcissent tout ce qu’ils approchent, détruisent tout ce qu’ils étreignent et transforment aussi bien le sang des brebis ou les cailloux du désert en papier monnaie.
Elle a surtout entendu les souvenirs de cet ancien combattant de 1904. Sans vergogne, pendant de longues minutes, l’homme a osé évoquer la bataille du Waterberg. Il raconte cette tuerie comme s’il s’agissait d’une victoire glorieuse de l’armée impériale. Il n’éprouve aucun remords, aucune pitié pour les dizaines de milliers de victimes. Pour un peu, Esther admirerait cette prodigieuse faculté, cette délirante capacité qui relève d’une amnésie proprement géniale. Ces coupes franches dans l’épopée de cette guerre sale obéissent à une diabolique alchimie. Emil Kreplin finira forcément par croire en ses propres mensonges et fera de cette mise à mort de tout un peuple rebelle une odyssée glorieuse, un mensonge captivant que les petits enfants écouteront soir après soir, les yeux écarquillés et la bouche bée.
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Une année a passé depuis l’exode du capitaine Marengo. De Windhoek à Berlin en passant par Lüderitz, on a célébré la victoire des troupes impériales sur les sauvages du Sud-Ouest africain. Toute la presse proche du Kaiser y est allée de son habituel couplet triomphal. La victoire a été acquise de façon éclatante contre des peuples primitifs et désorganisés. Le fameux Napoléon noir inspire toujours les mêmes illustrateurs satiriques et c’est à chaque fois un festival de caricatures. Jacob marengo y est représenté avec des allures de vagabond crasseux. Hirsute et dépenaillé, c’est un pauvre clown au cuir usé et aux yeux plissés, on l’affuble de tous les attributs grotesques du bandit de grand chemin. A sa façon, le journalisme de ce début de siècle corrobore les thèses raciales d’Eugen Fischer et le peuple, dans sa grande majorité, se dit que l’Afrique serait une terre idéale d’exil et d’aventure si seulement on parvenait à venir à bout, une bonne fois pour toutes, de ces cannibales répugnants et sanguinaires. Tous ou presque épousent finalement l’opinion du massacreur du Waterberg. Lothar von Trotha, après avoir clairement ordonné la destruction des peuples nama et kherero, avait bien précisé que cette table rase allait enfin permettre d’éclaircir l’horizon colonial. Il avait affirmé que sa stratégie militaire consistait à « exercer la violence par tous les moyens possibles, y compris terroristes. »
Et son but ultime était clair comme de l’eau de roche : « Il faut détruire les tribus africaines par un torrent de sang et d’argent. Car ce n’est qu’une fois ce nettoyage accompli que quelque chose de nouveau pourra émerger, et qui restera. »
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