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Critique de Seraphita


Un homme écrit un rapport, à destination d'autres hommes qui viennent de l'embaucher dans un lieu dont un mot vient délimiter les contours : l'Institution. L'indispensable majuscule déjà dit du lieu et de son âme tout en éludant l'essentiel aux yeux de la jeune recrue. Ce dernier a pour mission de résumer avec une rigueur implacable et une objectivité sans faille des discours politiques tenus par des êtres puissants qui oeuvrent résolument au service de la liberté. Dans ce monde aseptisé à l'extrême, où règne le culte de la rationalité et de la rigueur, la fiction a disparu. Et pourtant… Tout roc s'érige autour de failles qui viennent lui donner sa force apparente. Notre « résumain » va le découvrir et prendre goût aux mots interdits. Derrière la transgression, le risque guette, l'homme le sait et le redoute…

« Permission », c'est l'histoire d'un huis clos cérébral, d'une confession spectaculaire d'un homme qui en écrivant son monde intérieur se révèle. Les mots interdits vont ouvrir une brèche dans ses pensées asséchées, faire écho à ses propres fêlures, à ses doutes. le désir jusque-là contenu, contrôlé, y compris dans l'écriture, vient faire irruption dans une vie sans fantaisie. Et le « résumain » voit peu à peu ses certitudes se briser, ses espoirs s'étioler. Sa demande de permission condense à la fois sa vie d'avant, éclats de souvenirs qui, faisant irruption à l'improviste, écorchent, blessent, son envie d'ailleurs et son présent, figé, qu'il ne parvient à dater avec certitude. Il lui faudrait « penser le temps non plus comme une ligne au tracé horizontal mais comme un point sans cesse posé puis effacé, sa trace retenue par le filet du langage » (p. 226). Et tant que l'écriture parvient à se déployer sur l'espace d'une page, de soi à soi ou à un autre, lointain, la vie continue, portée par le souffle du désir. Une oeuvre magistrale, une écriture brillante sous un vernis cérébral, exigeante et âpre.
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