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Critique de Kirzy


Flics vs Voyous. La Loi vs trafic de drogue. On connaît l'affiche mais DOA réveille ces images bien connues afin de proposer au lecteur une expérience de lecture à l'intensité surpuissante hors des sentiers gentiment balisés. Et le dynamitage commence dès la scène inaugurale. Elle te colle à la rétine des images chocs qui te viennent durant toute la lecture. Un cri plein de haine retenti dans les sous-sol du 36 :

« Hadjaj ! »
De peu, le cri précède le tir. A bout touchant diront sans doute les expertises médico-légales. Hadjaj, Nourredine, né aux Lilas le 7 avril 1989 et défavorablement connu des services de police, s'effondre. Son visage, un masque grotesque, sanguinolent et cabossé.
Les larmes aux yeux, son meurtrier rigole. Dernier crachat sur le cadavre et le pistolet remonte, fils vers sa bouche ouverte.
Théo mange son canon. »

Théo, le flic ripoux survit à sa tentative de suicide. Pas le lieutenant des Cerda, clan yéniche qui règne sur le trafic de drogue, Est parisien. Un assassinat qui créée le chaos mais va peut-être permettre de rebattre les cartes. Aussi bien côté flics – exsangues car dépassées par la créativité criminelle de leurs adversaires retors – qui y voit une opportunité pour remettre de l'ordre, que côté voyous où s'est ouverte une crise de succession depuis la mort de deux parrains Cerda.

A partir de cette situation posée cash d'emblée, DOA a construit un scénario d'une complexité vertigineuse en mode billard à dix bandes qui met dans la partie un nombre impressionnant de personnages dont les interactions millimétrées - alliances ou mésententes, parfois très inattendues - prennent totalement sens une fois le texte achevé. Il faut un peu de temps pour s'installer complètement dans le récit et maitriser la trentaine de personnages principaux recensés dans le glossaire ( qui m'a beaucoup servi ).

La violence se déploie dans toute sa brutalité crue, menaces ou passages à l'acte ( incroyable épisode à La Courneuve ). La tension liée à l'attente de sa survenue est renforcée par l'effet de réel. Contexte COVID qui contraint et perturbe les activités illégales. Mondialisation d'un narcobanditisme en pleine expansion, structuré, professionnalisé pour corrompre de nombreux secteurs d'activité. C'est évident que l'auteur a fait un travail monstrueux de documentation pour parvenir à autant de détails, mais là où un didactisme clignotant aurait pu alourdir le récit, l'élégance de la conduite de la narration de DOA le fait totalement oublier.

La rigueur du vérisme qui innerve ce roman rend le récit très immersif. D'autant que les personnages sont tous furieusement incarnés, tous passionnants ( j'ai particulièrement apprécié celui de Théo le flic guerrier, charismatique et solitaire qui n'a plus rien à perdre, et celui de Lola Cerda, la badass prête à prendre la relève sans en demander l'autorisation ) et animés par des émotions fortes.

Trahisons, jalousies, rivalités, vengeances, amours, désir, désillusions, l'auteur a le sens du tragique pour brouiller la coutumière frontière entre Bien et Mal, plus perméable que jamais avec ces rétiaires dans l'arène. Flics et voyous, ces gladiateurs combattent fragiles et exposés, avec de quoi attaquer mais bien peu pour se défendre au final. L'auteur se concentre sur leurs destinées tout en faisant avancer sa sinueuse intrigue tel un pilote de drone survolant le champ de bataille sous tous les angles.

Un roman d'une noirceur absolue, magistralement porté par une écriture nerveuse et syncopée qui travaille la langue jusqu'à la défibrillation. Remarquablement puissant comme tout ce que publie DOA.

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