Citations sur Le bruit de tes pas (44)
On était ainsi. Rétrogradés à l'état de nature, à la sélection rigoureuse et cruelle. Le plus fort dévorait le plus faible, et ça nous paraissait naturel. Ça l'était peut-être.
Je suis née ici. Je n'ai pas connu d'autre endroit, je n'ai jamais été nulle part ailleurs. Mon père a été l'un des premiers squatters. A l'époque, il était jeune, enragé. Ici on agit vite, on enfante vite, on grandit vite et on meurt vite.
On partageait notre façon de rire, de manger et de dormir, même si ça, dormir, on était les seuls à le savoir.
Les gens se moquaient de nous mais, malgré nos efforts, il nous était impossible de nous différencier.
Nous nous étions contaminés.
Ici tout a un nom. L'église, c'est la Pagode. Le quartier, c'est la Forteresse. Et nous, on était les jumeaux.
Rien ne vous réchauffe (...) quand vous vous égarez.
Parfois, on oublie les choses qu’on a vécues. On les laisse de côté parce qu’elles semblent infantiles, absurdes, et on les abandonne, on les refoule. Puis un événement vient les ramener à votre mémoire. Et la vision de la réalité se modifie.
C’est une sorte d’étang. Son eau est claire, inerte. Mais si l’on jette un caillou dedans, elle s’agite, se remplit de terre, se trouble.
Cette terre qui salit l’eau était là, immobile, avant qu’une main décide de la faire remonter à la surface. Mais ça ne durera pas, bientôt tout rentrera dans l’ordre.
C’est un cycle.
C'était peut-être le milieu qui nous avait produits. On avait peut-être ça dans le sang. C'était peut-être les gens qu'on fréquentait, l'ennui, l'absence de buts. Le certitude de ne pas pouvoir évoluer, la prise de conscience de l'inéluctable. Dehors, les années se succédaient, et le monde changeait. Au fond de nous-mêmes, on restait figés.
On n'avait pas de raison de vivre, on n'était pas capables d'en trouver une. On vivait, un point c'est tout.
Quand meurt celui qu'on aime, quelque chose vous saisit au ventre et vous retient. Pas le cœur, non, les battements cardiaques ne changent pas, le sang circule, la poitrine est indolore, le pincement au cœur n'est qu'une invention de ceux qui écrivent des romans-feuilletons dans l'hebdomadaire du jeudi.
Le douleur qui vous plie en deux concerne l'estomac.
Elle ne fait pas mal comme un coup de poing, c'est pire. Elle part de l'intérieur, vous égratigne la gorge, vous noie les entrailles et referme tout.
Parfois, on oublie les choses qu’on a vécues. On les laisse de côté parce qu’elles semblent infantiles, absurdes, et on les abandonne, on les refoule. Puis un événement vient les ramener à votre mémoire. Et la vision de la réalité se modifie.
C’est une sorte d’étang. Son eau est claire, inerte. Mais si l’on jette un caillou dedans, elle s’agite, se remplit de terre, se trouble.
Cette terre qui salit l’eau était là, immobile, avant qu’une main décide de la faire remonter à la surface. Mais ça ne durera pas, bientôt tout rentrera dans l’ordre.
C’est un cycle.
C'était peut-être le milieu qui nous avait produits. On avait peut-être ça dans le sang. C'étaient peut-être les gens qu'on fréquentait, l'ennui, l'absence de buts. La certitude de ne pouvoir évoluer, la prise de conscience de l'inéluctable. Dehors, les années se succédaient, et le monde changeait. Au fond de nous-mêmes, on restait figés.
Désormais on était plus unis que jamais. Et pourtant au fond de nous, dans un recoin inaccessible, on s'était égarés, dissous, dissociés. La fissure qui avait caractérisé nos relations depuis des années s'était approfondie, elle avait creusé un fossé.