Il y a maintenant deux ans, je me rappelle être allée au cinéma pour voir un film qui n'avait pas encore tout emporté sur son passage, d'y être allée parce que l'affiche m'avait attirée, moi qui ne leur fait pourtant que rarement confiance.
Passé les bandes annonces, le choc, la déflagration, l'uppercut, le coup de foudre. Celui qui fascine et qui frappe.
Ce film c'était "Shéhérazade" de Jean-Bernard Marlin. A la fois drame social dans concession et récit d'une passion aussi sublime que violente, il met en scène la rencontre et la vie de deux adolescents, deux enfants perdus de la banlieue marseillaise. Lui, il deale, elle, elle se prostitue et ils s'aiment envers et contre la misère, la violence et leur milieu.
J'ai retrouvé l'incandescence de ce film intense et déchirant dans "
Le bruit de tes pas". J'ai lu comme j'avais vu le film: dans l'urgence, tiraillée entre l'envie de me sortir de là très vite et le désir de savoir ce qu'il advient des personnages, quitte à souffrir.
C'est un fait, le premier roman de Valentina d'Urbano -dont le talent et la singularité de l'univers m'avait déjà percutée de plein fouet avec "Acquanera"- prend aux tripes.
L'Italie se débat avec ses années de plomb et l'histoire se passe à la Forteresse, un quartier violent et misérable situé -comme souvent- à la périphérie d'une grande ville.
La Forteresse est miséreuse, les murs sont lézardés, les rues ne sont pas sûres, on squatte les appartements plutôt que les louer.
La Forteresse est une prison dont on ne sort pas. Jamais. On y naît, on y meurt dans la poussière et le béton.
On y étouffe en été, on y crève de froid en hiver, on y zone sans perspectives ni envie d'avenir.
Beatrice, la narratrice a grandi là avec sa famille et avec Alfredo surtout, le voisin du haut, celui dont le père boit trop. Les deux enfants grandissent ensemble, comme frère et soeur jusqu'à ce que le désir s'en mêle.
Ils auraient pu s'aimer et vivre leur vie. Bea, d'ailleurs, n'attend que ça. Et puis, elle veut voir la mer, et partir loin.
Ils auraient pu mais ils ne savent pas: alors ils s'aiment avec violence, avec des coups, avec des cris et en cherchant à se dominer l'un l'autre.
Si Bea se révèle d'une force peu commune au fil du roman, ce n'est pas le cas du bel Alfredo, fragile et sur le fil, désespéré.
Lui qui ne rêve pas de voir la mer s'évade autrement à coups de blanche et de seringues et toute la passion du monde n'y changera rien.
Roman social et histoire d'amour fou, "
Le bruit de tes pas" est un texte singulier, dont l'amertume confine au tragique porté par une écriture précise, percutante qui met en scène la jeunesse dans ce qu'elle a de plus fougueux, de plus excessif.
Incandescent comme "Schéhérazade" et le jeu de Dylan Robert et Kenza Fortas. Comme
James Dean un peu aussi.