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Critique de Ziliz


Ziliz
01 décembre 2015
On ne connaît pas son nom. On sait qu'il est étudiant à la Sorbonne, qu'il a vingt-trois ans, qu'il vit le nez dans les livres. Il s'est laissé entraîner à sortir un soir, et, gagné par la fougue contagieuse de Monsieur 100 000 volts, il a arraché et balancé des fauteuils à l'issue du concert de Bécaud à l'Olympia. On en déduit que ça se passe en 1955. On devine que l'armée française a besoin de chair fraîche pour sa guerre d'Algérie, puisque ce débordement vaut au jeune homme un aller-simple pour les Aurès. Ouf, il a de la chance, première épreuve surmontée : il a réussi à sauter en parachute, il ne fera pas partie des « gonzesses » (sic), ceux qu'on cantonne aux corvées et qui se font violer par les forts, les durs, les winners. Lui, il ira en première ligne, tuer, torturer. Il y mettra du zèle.

Un court roman, une longue nouvelle de 80 pages, appelez ce texte comme vous voulez. Avec le talent qu'on lui connaît, Didier Daeninckx livre là du brut, du dense, du choquant pour évoquer la logique de l'armée, l'esprit colonialiste, la violence de la guerre. Et puis la mauvaise foi des gouvernements qui envoient leurs jeunes au casse-pipe. Nos pères sont allés en Algérie, nos grand-pères en Allemagne, nos arrière-grand-pères dans les tranchées. Ils étaient tout jeunes, ils avaient l'âge qu'ont nos fils aujourd'hui. Et quelques décennies plus tard, on entend cela, comme si la guerre venait d'être inventée, comme si les Etats eux-mêmes n'étaient pas responsables de boucheries "au nom de causes folles" ou incompréhensibles, eux aussi : « Une horde d'assassins a tué 130 des nôtres et en a blessé des centaines au nom d'une cause folle et d'un Dieu trahi. Aujourd'hui, la Nation, toute entière, ses forces vives, pleurent les victimes. 130 noms, 130 vies arrachées, 130 destins fauchés, 130 rires que l'on n'entendra plus, 130 voix qui à jamais se sont tues. » (extrait de l'hommage aux victimes du 13/11/2015, lu par François Hollande - émouvant, certes, mais...).

Cet ouvrage de Daeninckx est violent, cru, mais indispensable pour la page d'Histoire, pour ce qu'il montre de la nature humaine, et pour les échos avec l'actualité - la salle de concert, les illustrations de Tignous (dessinateur tué lors de l'attentat du 07/01/2015 contre Charlie Hebdo), et bien sûr « les vies arrachées, les destins fauchés » au hasard.
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