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Critique de berni_29


Aujourd'hui c'est mercredi et mercredi, c'est... ?
« Les histoires à Berni !
- Hé, mais c'est pas mercredi aujourd'hui, on est samedi. Tu ne te tromperais pas de jour par hasard, Berni ?
- Non, j'ai décidé aujourd'hui d'être un peu subversif pour illustrer le choix de ma lecture. Vous allez voir, les amis. »
Sandrine, la maîtresse d'école a fait entrer les élèves dans la classe. Tous les élèves étaient présents. Tous ? Non, un seul manquait à l'appel, le petit Pat. Mais où était-il donc ? La maîtresse d'école s'en est inquiétée, mais elle a vite été rassurée quand toutes les mains tendues ont désigné le vieux jukebox au fond de la salle de classe, qui servait désormais au cours de travaux manuels.
Sous le jukebox un peu déglingué, on voyait des petites jambes dépasser. On a alors entendu une voix venir de dessous l'appareil et nous lancer : « est-ce que quelqu'un aurait sur lui une clé de 12 ? » On venait en effet de reconnaître la voix du petit Pat, pas de doute il était bien avec nous.
« Une clé de 12, lol ! a fait la petite Sonia impressionnée.
- Une clé de 12 ? J'ai pas ça en magasin, a fait le petit Paulo une moue dubitative. Son caméléon perché sur son épaule l'a regardé un instant. On a retenu notre souffle, on a tous eu un peu peur en imaginant comment le reptile allait tenter d'imiter la couleur d'une clé de 12. Bon après tout, le gris métallisé, c'est à la portée d'un caméléon, mais lui, le savait-il ? On a été rassuré lorsqu'on a vu l'animal passer à autre chose en tirant la langue à la petite Nico qui lui rendait la pareille.
« Une clé de 12 ? Toi tu sais parler aux jeunes filles, mon cher Pat ! s'est exclamé la petite Anna d'une voix légèrement ironique.
- Une clé de 12 ? Tu crois qu'on a ça dans nos petits trousseaux de jeunes filles très modèles, haha ! a fait la petite Chrystèle d'un ton non moins moqueur.
- Une clé de 12 ? Et pourquoi pas un chalumeau ? a fait la petite Francine.
- Ou un extincteur ? a répliqué la petite Isa.
- Ou une perceuse électrique, a ajouté la petite Sylvie.
- Ou un coupe-ongles », a tenté la petite Fanny d'un air audacieux.
Tout le monde a regardé la petite Fanny un peu surpris par cette réponse, c'est vrai que c'était une suggestion sacrément osée et originale.
« Dépêchez-vous ! s'égosilla le petit Pat impatient, je tiens à bout de bras le premier vinyle de Karen Cheryl, c'est un collector. »
C'est alors qu'on a entendu une voix déterminée s'exclamer : « Ugh ! Moi j'ai une clé de 12 sur moi ». On s'est retourné, on a vu alors la petite Gaby vider son sac à ses pieds, puis se mettre à quatre pattes et faire le tri parmi d'insolites objets. Il y avait notamment un atomixer, des tas de couverts, des pelles à gâteaux, une tourniquette pour faire la vinaigrette, un aérateur, un cire-godasses, un coupe-friture, un éventre-tomates... Enfin, elle s'est écrié Eurêka ! en trouvant la fameuse clé de 12. Celle-ci est aussitôt passée de main en main jusqu'au jukebox. Quelle belle chaîne de solidarité ! On était presque émus jusqu'aux larmes, Sandrine et moi même si je sentais la maîtresse d'école un peu dépassée par les événements.
« Dis, a alors demandé le petit Jean-Miche un peu intrigué en s'adressant à la petite Gaby, t'arrive à passer partout avec tous ces machins ?
- C'est juste parfois un peu compliqué dans les aéroports, je t'avouerai », a-t-elle répondu d'un air tranquille.
L'incident étant clos, j'ai pu enfin reprendre le cours de mon histoire qui, du reste, n'avait pas encore commencé.
« Aujourd'hui, j'ai eu l'idée de vous raconter un récit qui devrait vous plaire. Il s'agit de Matilda, une petite fille espiègle qui n'est pas sans vous rappeler une certaine Mortelle Adèle que nous avions découvert lors d'un précédent mercredi. »
Tout le monde s'est alors tourné vers la petite Doriane, - le visage badigeonné de chocolat, car on savait tous que c'était son personnage préféré.
« Mais ! Euh ! » a-t-elle rétorquée comme prise les doigts dans la confiture.
J'ai poursuivi en leur racontant une, puis deux, puis trois péripéties qui arrivent à Matilda et que les élèves découvraient avec des yeux grands comme ça.
Mais qui est Matilda ?
Matilda est une petite fille qu'on pourrait croire surdouée.
Imaginez un peu... Avant même d'avoir cinq ans, Matilda sait lire et écrire, connaît tout Dickens, tout Hemingway, a dévoré Kipling et Steinbeck. Mais son existence est loin d'être facile entre une mère indifférente, abrutie par la télévision et un père d'une franche malhonnêteté. Sans oublier Mademoiselle Legourdin, la directrice de l'école, personnage redoutable qui voue à tous les enfants une haine implacable.
Pourtant...
Pourtant Matilda est un personnage facétieux qui invente la vie à sa façon...
« J'aime ce livre car Matilda est un personnage drôle et à la personnalité forte comme je les aime. On pourrait la croire insolente et irrévérencieuse, - d'ailleurs c'est ce que pensent ses parents stupides et la directrice d'école très méchante. Mais il n'en est rien et les plus irrévérencieux dans la vie ne sont pas toujours ceux qu'on croit.
Figurez-vous que les seules rares grandes personnes qui sont proches de Matilda, ce sont des bibliothécaires et la jeune maîtresse d'école, Mademoiselle Candy.
Tous les regards se sont alors portés vers Sandrine, la maîtresse d'école qui s'est mise à rougir...
« Des bibliothécaires ? Tiens-donc Berni-Chou, ça nous intrigue drôlement ton propos, fit la petite Anna toujours l'esprit facétieux. Et ce roman parlerait-il aussi de libraires ? Mouhahaha !
- Bien sûr, ai-je répondu, puisque cette histoire fait la part belle aux livres. Mais je voulais vous dire aussi autre chose de presque plus important. »
J'ai marqué alors un silence. On aurait entendu une mouche bourdonner dans la classe. D'ailleurs il y en avait une que le caméléon du petit Paulo s'est vite arrangé à sa manière pour la faire taire. On entendait juste des bruits mécaniques, notamment le fameux bruit d'une clé de 12 qui empêcherait un vinyle collector de Karen Cheryl de venir se briser en mille morceaux au sol.
« Je t'écoute, je t'écoute, continue », a fait le petit Pat du dessous du jukebox.
Alors j'ai pris une voix grave.
« Figurez-vous que l'auteur de ce livre pour enfant qui s'appelle Roald Dahl est aujourd'hui menacé d'une censure totalement idiote et surtout non justifiée.
- C'est quoi une censure ? » a demandé la petite Yanike.
Sandrine, la maitresse d'école s'est alors avancée vers l'assistance et on voyait sur son visage un air très grave.
« Cette histoire a été écrite il y a longtemps avec les mots de cet écrivain et dans le contexte de l'époque, a-t-elle alors dit. Aujourd'hui des personnes qui ne respectent pas forcément l'art mais qui ont des idées moralisatrices un peu étroites, voudraient changer certains mots, certaines tournures de phrases de ce livre pour les rendre plus lisses, plus acceptables. Ils voudraient modifier le texte de cet auteur, changer ce qu'il a dit dans certaines pages. Ils voudraient faire la même chose avec d'autres de ses livres et cela sans son consentement puisqu'il est aujourd'hui décédé.
- On appelle cela le politiquement correct, ai-je ajouté en me demandant si cela leur parlait.
- J'aime pas le politiquement correct », a aussitôt renchéri le petit Paulo d'un air sombre.
On a alors tous vu son caméléon prendre une drôle d'allure. Autant la couleur d'une clé de 12 finalement ça pouvait aller, mais la couleur du politiquement correct, on se disait zut, ça va mettre le pauvre caméléon du petit Paulo dans tous ses états, car le politiquement correct, ça sent pas bon, hein, ça pue même et un caméléon qui imite en couleur quelque chose qui pue, beurk...
« Ouais c'est des fachos, s'est alors écrié la petite Isa.
- On va pas les laisser faire, a renchéri la petite Sylvie.
- On va leur dévisser le peu de cerveau qu'il leur reste avec une clé de 12, a menacé la petite Gaby.
- C'est un peu comme si on effaçait les gros mots de Mortelle Adèle, a dit la petite Francine pour montrer qu'elle avait bien compris l'intention.
- Quoi ?! s'est esclaffé la petite Dori en manquant d'avaler son chocolat, scrogneugneu ! ça peut pas le faire ça, non mais oh !
- Mais qu'est-ce qu'on peut faire, nous ? s'est inquiétée la petite Anne-So.
- Pas grand-chose, a répondu Sandrine la maîtresse d'école un peu dépitée, sauf continuer de s'indigner comme le propose Berni, s'indigner dans les écoles, dans les médiathèques, dans les librairies, sur les réseaux sociaux, auprès de vos parents...
- Promis, on le dira à nos parents », a alors répondu la petite Domi très déterminée.
Les élèves se sont alors écartés pour laisser la petite Gaëlle se frayer un chemin vers moi.
« Elle est belle ton indignation camarade, a-t-elle dit simplement, continue comme cela, ça nous fait du bien. »
Alors on a entendu une grande agitation, on s'est retourné, le petit Pat venait de se hisser hors du sous-sol du jukebox. Il nous regardait avec un petit air jubilatoire, il a appuyé sur une touche de l'appareil et on a entendu une chanson bien rythmée d'Harry Belafonte se répandre parmi nous, une chanson de circonstance comme savait si bien le faire le petit Pat, qui fit un pas de cha-cha-cha vers les autres élèves sous leurs applaudissements :

♫ Hey
Matilda, Matilda, Matilda, she take me money and run Venezuela
Once again now ♫
Matilda, Matilda, Matilda, she take me money and run Venezuela
Five hundred dollars, friends, I lost
♫ Woman even sell me cat and horse ♫
Heya! Matilda, she take me money and run Venezuela ♫
♫ Everybody
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