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Critique de sylviedoc


Quand on travaille en lycée ou en collège comme moi, un sujet revient régulièrement dans les discussions entre profs : comment faire pour ne pas léser les élèves brillants, ceux qui comprennent vite et ont de bons résultats, tout en ne laissant pas à la traîne ceux qui ont plus de mal, ceux qui "tirent le niveau de la classe vers le bas" (expression que j'entends fréquemment) ? La solution est toute trouvée : créer des classes par niveaux, où les élèves progresseront tous au même rythme en fonction de leur capacités d'apprentissage. Une idée adoptée dans la société presque actuelle que nous décrit Christina Dalcher, aux Etats-Unis.
Dans la famille Fairchild, tout va bien, leur fille aînée Anne fréquente une école "argentée", bien nommées puisque la grande majorité de leurs élèves proviennent de familles plutôt favorisées, et Freddie, la cadette, une école "verte", où les profs sont un peu moins qualifiés et les élèves dans la moyenne. Elena, la maman et narratrice est prof dans une école d'élite, et Malcolm, le papa, est un proche collaborateur des hautes autorités qui ont mis en place le fameux systèmes des trois tiers, répartissant les enfants dans des écoles argentées, vertes, ou jaunes selon leur score Q. Mais en fait, que recouvre ce score Q ? Pas seulement les capacités intellectuelles, comme on pourrait le croire, d'autres éléments entrent également en ligne de compte, comme la situation familiale (parents divorcés, ou parents de même sexe, origines ethniques...), et là, on se dit que ça commence à puer un peu. Et puis, Elena va l'apprendre à son corps défendant, il suffit parfois de peu de choses pour qu'un score jusque-là satisfaisant (au-dessus de 8 ou 9 sur 10) bascule en-dessous de la note requise pour rester dans la même école. Un test raté, le comportement jugé problématique d'un membre de la famille, et hop, voilà votre gamin envoyé dans une école "jaune", c'est-à-dire un internat à perpète-les-oies d'où il ne rentrera plus qu'exceptionnellement et où l'enseignement est disons "basique". C'est ce qui va arriver à Freddie, et malgré les supplications d'Elena, Malcom va rester inflexible et refusera d'intercéder auprès de Madeleine Sinclair, chargée du Département de l'Education dont il est le plus proche collaborateur. Dès lors, Eléna va tout en mettre en oeuvre pour rejoindre sa fille, quitte à saborder son couple et sa carrière.

Ce qui est absolument terrifiant dans cette histoire, c'est que le système décrit pourrait très vite s'imposer dans notre société, on en est d'ailleurs pas loin dans certains pays asiatiques ou même aux USA, où il faut postuler dès le projet d'enfant pour obtenir une place dans les écoles les plus convoitées. Et les enfants subissent une pression considérable pour rester au niveau...Et bien sûr la catégorie socio-professionnelle des familles joue énormément, tous n'ont pas les moyens de payer pour ces écoles prestigieuses. Là on est juste un cran plus loin, il est acté qu'un enfant "déficient" (avec un handicap, issu de parents soi-disant "inaptes" à assurer une bonne éducation à leur progéniture, ou simplement issus de l'immigration) soit casé dans une espèce de pensionnat-prison où on lui assurera ses besoins fondamentaux et un enseignement réduit au strict minimum. Cela fait frémir, et bien sûr on pense aussitôt à l'eugénisme pratiqué par les nazis il n'y a pas si longtemps. D'ailleurs l'un des personnages, Oma, la grand-mère d'Eléna, essaie vainement d'alerter depuis longtemps sur les dérives de la politique d'éducation. Mais elle n'est pas entendue, parce tout s'est fait de façon si insidieuse et persuasive que la population n'a rien vu venir.

On se questionne beaucoup au fil de cette lecture, parce qu'il suffirait vraiment de pas grand-chose pour que la société décrite ici devienne notre prochaine réalité, on sait bien que certain(e)s en rêvent, de se débarrasser des indésirables comme les immigrés, les homosexuels, les défavorisés en tout genre, pour bâtir une civilisation "d'élite", bien blanche et bien formatée. J'avoue que dans mes moments de pessimisme, je crains le pire !
Heureusement, dans le livre comme dans la réalité, il y a encore des personnes pour se dresser contre ce type de système, nous avons donc une chance d'y échapper.

J'ai été happée par ce roman, auquel je n'ai qu'un seul petit reproche à faire, c'est qu'on n'a que le point de vue d'Eléna, j'aurais aimé entendre d'autres voix, y compris celle du père. Mais à part cette légère réserve, je recommande, d'ailleurs j'ai lu un autre livre de l'auteur directement à la suite : "Vox", une dystopie également. Mais c'est une autre histoire...
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