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Critique de Rodin_Marcel


[Exposition – Paris – 14 septembre 2016 – 12 février 2017 – Musée du Luxembourg] – "Fantin-Latour : à fleur de peau " [sous la direction scientifique de] Laure Dalon, Xavier Rey, Guy Tosatto, commissaires de l'exposition – Réunion des musées nationaux, 2016 (ISBN 978-2-7118-6348-8) – Relié, format 27x24cm, 256p.

Fantin-Latour appartient à cette catégorie d'artistes (musiciens, peintres, écrivains etc) dont on entend souvent prononcer le nom, dont on voit passer (parfois sans s'en rendre compte) quelques oeuvres ou extraits d'oeuvres (ainsi de Verlaine et Rimbaud sur le "coin de table" spécialement découpé pour le manuel), et dont on se rend compte qu'on ne sait finalement pas grand chose de bien consistant.
Son cas s'aggrave encore puisqu'il appartient à cette lignée de peintres qui restèrent fidèles au "figuralisme", alors que notre génération (et les suivantes) fut littéralement matraquée par les laudations sans frein des thuriféraires des Picasso, Kandinsky, Klee et autres "Nu descendant l'escalier" ; Matisse était rarement mentionné, et Chagall encore moins puisque mobilisant – horresco referens – des thèmes religieux, quant à Félix Valotton ou Maurice Denis, il ne fallait même pas y songer...

Aujourd'hui, il semble que le petit monde des musées s'émancipe quelque peu de cette tendance lourde au conformisme moderniste, et se décide à sortir quelques collections exceptionnelles, comme c'est le cas avec cette exposition s'appuyant largement sur les fonds du musée de Grenoble.
On pourra lui reprocher le classicisme de son accrochage, mais en tout cas, il possède le mérite de la clarté – à la portée du béotien qui écrit ces lignes, ouf !

Trois parties, recouvrant plus ou moins la chronologie de l'oeuvre :
- les portraits intimistes puis les groupes,
- les fleurs,
- enfin les "fééries" "d'inspiration réaliste" (fichtre).

A mes yeux, les deux premières parties méritent le déplacement et même une deuxième visite.
Les portraits intimistes du cercle familial ou des amis proches s'inscrivent dans la lignée des grandes oeuvres de ce type, en renouvelant intelligemment le genre : les portraits de Charlotte Dubourg ou d'Edouard Manet constituent un témoignage magistral en ce sens.
Pour ce qui concerne les groupes, les oeuvres sont pour le moins très intéressantes, qu'il s'agisse de l'Hommage à Delacroix, d'Un atelier aux Batignolles, d'Un coin de table, ou des musiciens groupés Autour du piano ; certains pensent que Fantin-Latour renouvelle ici l'art d'un Rembrandt et de son "Syndic des drapiers" ou plus encore de la "Leçon d'anatomie du docteur Tulp" mais cette comparaison me semble tout de même un peu optimiste.

A mes yeux d' humble jardinier amateur, la plus magnifique partie de cette exposition est sans conteste celle qui regroupe les bouquets de fleurs – que je me refuse énergiquement à faire entrer dans la catégorie dénommée en français "natures mortes" (là où les allemands utilisent la dénomination "Stillleben" – vie tranquille – tellement plus juste). Dans ce domaine, Fantin-Latour atteint des sommets inégalés (surtout par ses contemporains les impressionnistes !) : il faut vraiment le voir pour le réaliser pleinement !

La troisième et dernière partie veut probablement faire sensation : en effet, comme de nombreux peintres de cette fin du dix-neuvième siècle, Fantin-latour avait accumulé tout un stock de photographies de nus féminins plus ou moins artistiques ou "érotiques" – sans en faire état, la pudeur et la discrétion étaient encore de mise (à cette époque là, on ne pataugeait pas encore dans la pornographie permanente de l'obscénité obligatoire).
Les historiens de l'art nous disent combien il était difficile de trouver des modèles vivants, de sorte qu'il existait de nombreuses revues de nus destinées aux peintres, avec fort probablement une diffusion plus large à un public de voyeurs plus ou moins grivois. Soit.

Les représentations "féériques" qu'en tire Fantin-Latour me paraissent terriblement datées, tant par leur sujet (comme la sempiternelle "Tentation de Saint-Antoine", la "Naïade" ou l'allégorie du "Soir") que par leur mode de représentation terriblement convenu : le peintre se trouve à des années lumières en-dessous de la "Bethsabée" de Rembrandt, voire de la "Maja desnuda" de Goya – et Valotton renouvelait déjà ce thème de façon plus convaincante !!

Bien sûr, le catalogue présente toutes les qualités scientifiques et le sérieux documentaire caractérisant le travail des conservateurs des musées ; le lecteur bénéficie d'une copieuse bibliographie et même d'un index des personnes citées. En tant que tel, il mérite d'être acquis, surtout dans la mesure où les ouvrages de qualité sur Fantin-Latour ne sont pas légion.

Malheureusement, malheureusement, malheureusement...
Ce catalogue soulève une question essentielle : qui a décidé de saboter ainsi la reproduction des oeuvres ??? Est-ce pour produire un catalogue pas cher (35 euros) par rapport aux prix habituels, ou est-ce délibéré, les contributeurs insistant lourdement sur les teintes discrètes "à la Chardin" utilisées par Fantin-Latour ? Mais des teintes discrètes ne sont pas pour autant éteintes, mortes, ternes, étouffées comme c'est hélas ici le cas !

Pour remédier à cet état de fait regrettable, il convient d'acheter également les fascicules publiés par les revues comme "Connaissance des arts" (non, je n'ai pas d'action ni de bénéfice dans cette revue).

Une exposition à voir, à revoir...
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