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Critique de Arimbo


Arimbo
02 septembre 2022

Cet ouvrage date de 2003, ce qui dans le monde des sciences est assez ancien, quand on considère les progrès extraordinaires des dernières années, notamment dans le domaine des neurosciences.

Néanmoins, le livre apporte une vision tout à fait passionnante, et qui n'est pas remise en cause, je crois, sur le rôle des émotions dans l'élaboration des sentiments, et sur le rôle des sentiments à la fois sur les aptitudes sociales de l'espèce humaine, et aussi sur l'intégration de ce que l'on appelle communément corps et esprit.

Mais ce livre a un autre intérêt, c'est qu'il relie les connaissances actuelles à certaines des idées énoncées il y a un peu plus de trois siècles par Spinoza dans ses oeuvres, principalement l'Ethique, sur le rôle primordial des émotions dans le fonctionnement humain et sur le refus de la dualité corps-esprit.
Et l'auteur, le neurologue et chercheur Antonio Damasio, qui, je crois, s'est pris d'affection pour l'Homme Spinoza, nous livrera sa biographie du philosophe et la façon dont il le perçoit, dans ce que ce dernier appelle le contentement, et cherchera dans un prologue et les deux derniers chapitres, à nous faire saisir ce qui dans la philosophie de Spinoza en qui concerne sa conscience du rôle des émotions et des sentiments, et leur gestion peut conduire l'être humain au bonheur. Cette vision personnelle, peut-être partiale, qui termine l'ouvrage, fait, bien sûr, inévitablement penser à la méditation de pleine conscience.

Mais ce sont surtout les chapitres précédents, qui forment le coeur scientifique du livre.
A l'aide d'arguments tirés d'observations de patients atteints de lésions cérébrales, mais aussi de travaux de recherches utilisant l'imagerie cérébrale, l'auteur nous montre tout d'abord que les émotions, peur, agressivité, désir, etc.., que nous partageons avec toutes les espèces animales, impliquent des régions diverses, à la fois sous-corticales: tronc cérébral, hypothalamus, thalamus, et une partie spéciale du cortex cérébral.

Et puis surtout, ce qu'évoque le chapitre suivant, que ces émotions qui sont ce que nous avons de plus « automatique », servent à l'élaboration dans d'autres zones cérébrales, des sentiments, tels joie et tristesse, dans lesquels les cartes de notre schéma corporel jouent un rôle essentiel; ce qui, à la fin des années 1990, est apparu comme une donnée tout à fait neuve, car l'idée que les émotions et « l'encartage » de notre corps soient les substrats d'élaboration des sentiments était en contradiction avec celle qui en faisait principalement une perception de notre relation avec notre environnement.

Un chapitre est ensuite consacré au rôle fondamental des sentiments dans l'élaboration de notre comportement social, de notre organisation sociétale et politique, de notre prise de décisions, et des structures cérébrales mises en oeuvre. Là encore, le lien entre certaines lésions cérébrales très rares et des anomalies du comportement social, apporte des informations extraordinaires, ainsi que certains travaux d'imagerie cérébrale. Et l'auteur d'insister bien entendu sur le fait que ces structures sont un pré-requis, mais que de multiples facteurs autres d'environnement, dont l'éducation, jouent un rôle.

Enfin, et avant d'aborder sa « dette » envers la prescience de Spinoza, l'auteur essaie de nous faire comprendre que non seulement il n'y a pas de corps et d'esprit, mais même de cerveau et de corps « hors cerveau », que l'être humain est un tout, hérité de nos ancêtres primates et de l'ensemble du règne animal.

Voilà un livre singulier, qui mêle données scientifiques s'appuyant sur de nombreuses citations, et une réflexion philosophique, dans les pas de Spinoza, sur la notion de bonheur.
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