Tu rentres chez toi, seul, des projets plein la tête. A la tombée de la nuit, tu descends du bus, encore ivre de l'air du centre ville, stimulé par toutes les promesses qui y miroitent, tous les possibles qui y clignotent comme les enseignes électroniques dans les flaques, sur les trottoirs humides. Cafés, flippers, sourires des filles, mystères des corps. (p.7)
Zigzaguant entre les fermes et les étangs, les routes et les champs, aux aguets aux abois, à l'oreille aux odeurs, je me dirige. Je bondis je cours je me fige je trotte, j'évite, j'esquive. Aux croisées des chemins aux coins des haies en lisière des bois, partout des hommes lourds de mort avec et sans chiens. Ils ferment les lignes de fuite, réduisent mes possibles. (p.48)
“...On aimerait que tu transmettes à ta mère nos sincères condoléances…” Rien. “Voilà, tu peux retourner en classe.” Rien.
Rien n'arrive.
Rien ne peut arriver ici.
Tous leurs mots sont vides, parce qu'eux sont creux, c'est rien que du charabia, leurs paraboles, leur morale, leurs prières. Ils sont juste pétris de trouille. Eux, c'est rien que des porte-manteaux avec des étiquettes, des coquilles vides, des emballages d'emballages. Y a personne dans les adultes, y a qu'un tas d'habitudes. Ça te parle de la vie, mais eux sont déjà morts. Y a qu'une seule chose qui compte à leurs yeux, t'enterrer avec eux sous des pelletées de chiffres.