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Critique de Chou_dOnee


Comment en suis-je venu à lire « La Maison des Feuilles » de Mark Z. Danielewski moi ? QUI n'avait aucune appétence pour ce genre de bouquin ! Tout d'abord ma chérie Onee en a eu envie. C'est normal, c'est elle la défricheuse de trucs bizarres (voir ma mise au supplice avec « Enig Marcheur »). Et pour éviter que je me débine, elle a commandé deux fois ce livre. Une fois pour elle, une fois pour moi. Comme je suis près de mes sous, je ne pouvais pas reculer, j'ai lu.


Mais je n'avais pas envie de paSser mon temps avec des notes de bas de pages tentaculaires, des digressions labyrinthiques, des annexes énigmatiques, etc. J'ai donc proposé à Onee que ma lectUre se ferait au premIer degré c'est-à-dire en liSant l'histoire principale d'un trait, tout de go. A la fin, soit j'aurai épuisé mes ressources de lecteur et mettrai fin à une ennuyeuse épreuve, soit JE continuerai en redémarrant la lecture exclusivement avec les bas de page et l'histoire parallèle qui s'y déroulait.


? Et c'est comme ça que j'ai été accaparé par ce livre.


Prenons tout d'abord mon premier degré de lecture. C'est un univers à la « Blair Witch Project ». Pour ceux qui sont nés après 1999, « le Blair Witch Project » est un film sensé être tiré d'une récupération de cassettes vidéos expliquant la disparition de jeunes vidéastes dans une forêt qu'on dit hantée. On voit les jeunes dans leur progression filmés par eux-mêmes, jusqu'à une scène finale assez flippante dans le sous-sol d'une maison.


Dans la Maison des Feuilles, on va suivre un brillant photoreporter, Will Navidson, qui filme tout ce qui va arriver d'étrange dans la maison où il emménage avec son épouse Karen et leurs deux enfants, Chad et Daisy. le couple bat un peu de l'aile. L'installation dans cette maison doit permettre de le ressouder. Mais ce n'est pas du tout ce qui va arriver. D'étranges portes s'ouvrent sur des couloirs, des vestibules et des escaliers sans fin, dans lesquels Navidson ne souhaite qu'une chose, partir en exploration, alors que Karen, elle, ne veut qu'une chose, qu'il n'y aille pas !


Un ami universitaire, des aventuriers, et le frère de Will vont venir à la rescousse. Les explorations vont prendre un tournant cauchemardesque et dramatique. L'ambiance dans laquelle nous sommes plongés est celle d'un film d'horreur des années 90 à petit budget vraiment angoissant. Les caméras suivent la descente aux enfers sans effets spectaculaires. Mais Will Navidson nous est présenté comme un génie du montage et de l'image.


Ceci n'est que le premier degré vous ais-je dit. Les cassettes vidéos semblent avoir été récupérées et on nous explique qu'elles ont été diffusées auprès du public sous le titre « le Navidson Record ». En outre, un film tourné par Karen uniquement aurait été ajouté aux aventures qui se sont passées dans la maison à proprement parlé. Et ce matériau cinématographique serait devenu une mine d'or pour tout un tas d'érudits et d'universitaires, qui en a fait un objet d'étude et de fascination.


A partir de là, on arrive au deuxième degré de lecture. Un vieil homme, nommé Zampano, aurait récupéré l'intégralité des films, et aurait compilé toutes les analyses savantes, en les annotant, en les critiquant et en les complétant. Mais ce travail l'aurait rendu fou.


Un jeune homme, Johnny Errand, tombe sur l'oeuvre du vieil homme juste après la mort suspecte de celui-ci. Son cadavre n'avait rien d'anormal, mais autour de lui, se trouvaient des traces de griffes de plusieurs centimètres de long, profondes d'un ou deux centimètres, faites tout récemment dans le parquet.


Et c'est à partir de là qu'on débouche sur le troisième niveau de lecture, celui qui retrace tant bien que mal l'histoire de Johnny Errand. Cette partie est écrite à la première personne. On se trouve donc dans la tête du personnage principal. Il est extrêmement brillant mais totalement déséquilibré. Son enfance aurait été plus que difficile. Sa mère aurait tenté de le tuer, et il aurait perdu son père dans un accident de voiture quelques années après l'internement de sa génitrice. Dans les familles d'accueil où il est ensuite passé, il n'aurait eu que des problèmes. Il aurait sombré dans la violence, celle qu'il faisait subir aux autres en se querellant sans cesse, et celle qu'il aurait subie, notamment de la part d'un tuteur ancien militaire sadique.


Les pages dans lesquelles nous suivons Johnny Errand sont entrecoupées des annotations et explications concernant le Navidson Record. Mais elles prennent un aspect de plus en plus psychédélique au fur et à mesure de bouffées délirantes qui assaillent le narrateur.


Puis arrive ce que j'appellerai le quatrième degré de lecture, à savoir les lettres écrites par celle qui est présentée comme la mère de Johnny Errand, alors qu'elle était internée. On se trouve clairement devant la prose d'une cinglée. Il y a même une lettre qu'il faut déchiffrer comme dans un message codé pour espions. Ici, heureusement que ma Onee Chérie avait abordé ce passage avant moi, car elle avait eu le courage de décrypter la lettre. J'ai donc compris bien des choses en découvrant le message caché.


J'ai trouvé que ce quatrième degré donnait un éclairage extrêmement intéressant pour l'intégralité du livre. J'ai eu l'impression que Mark Z. Danielewski nous conduisait dans l'esprit et l'histoire tourmentée d'un ou de plusieurs schizophrènes. Et c'est à partir de là que plusieurs hypothèses ont vu jour. Comme Onee finissait sa lecture quasiment en même temps que moi, nous avons comparé et discuté de nos diverses impressions, suggestions, et interprétations. Et chose merveilleuse, alors que nous n'avions pas du tout abordé la lecture de la même manière, nos conclusions se rejoignaient.


Ce livre est alambiqué et riche. Mon expérience en deux temps prouve qu'il peut cependant être abordé sans complexe comme un livre ordinaire. de magnifiques poèmes s'y trouvent et peuvent mettre être découverts et appréciés en eux-mêmes. Mais j'ai l'impression qu'il vaut mieux l'explorer en plongeant dans ses méandres tels qu'ils sont proposés page par page.


Mention spéciale à l'éditeur Monsieur Toussain Louverture. Cette deuxième édition, agrémentée de photos, composée de textes parfois dans tous les sens, est un OVNI littéraire. Il semblerait qu'on puisse s'attendre à une troisième édition, qui donnera encore une vision différente, voire d'une quatrième car le sujet est si vaste.


Et maintenant j'ai envie d'un polar très classique pour reposer mes pauvres neurones…du genre où une folle hystérique assassine son mari avec un couteau à beurre dans un véhicule accidenté, se macule de sang et de tripes avec des dénommés Jack et Daniels, des tahitiens arrivés du Tchad, qu'elle noie illico avant de jeter leurs corps dans un trou sans fond. JE ME DEMANDE SI PAR HASARD JE NE SERAIS PAS EN TRAIN DE MOURIR.

Lien : https://www.babelio.com/livr..
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