Les guerres du néolibéralisme sont à la fois des guerres pour la concurrence et contre l’égalité.
La souveraineté étatique est une pièce maîtresse dans la construction d'une société de concurrence, et il serait illusoire de prétendre combattre la seconde en laissant de côté la première. L'expérience doit nous immuniser contre toute stratégie suicidaire de retournement contre l'adversaire de ses propres armes. L'État est tout sauf une « arme » à la disposition des dominés. Seule une politique radicalement non étatique, entendu comme politique du commun, nous faire échapper à l'emprise du marché et à la domination de l’État.
Toute l'histoire des États modernes serait incompréhensible si l'on n'oubliait que la domination qu'ils ont exercées sur les populations a toujours pris les formes du droit. Même la colonisation a été légale.
La guerre civile dont il est question tout au long de cet ouvrage ne relève pas d'une exagération rhétorique : elle est bien réelle. L'une de ses dimensions les plus manifestent et l'intensité de la répression policière et judiciaire contre tous ceux qui dérange l'ordre social et osent contester le pouvoir, et pas seulement dans les pays dirigé par des autocrates populistes ou dans les états totalitaires comme la Chine.
Si le néolibéralisme de gouvernement a réussi à s'imposer comme une force jusqu'ici irrésistible de transformation de la société, c'est grâce à son dédoublement en une version réactionnaire de droite et une version moderniste de gauche. Prise dans sa version de gauche, la gouvernementalité néolibérale a consisté à tourner le dos à la lutte historique pour l'égalité sociale au profit de « causes » culturelles et morales qui, bien que légitimes, ne sauraient à elles seules remplacer la question centrale des inégalités sociales et économiques entre les classes. Permettant d'occulter l'accord fondamental sur les orientations néolibérales en matière économique, ce déplacement de l'opposition politique sur le terrain des valeurs constitue l'un des phénomènes les plus importants des dernières décennies. Il permet en effet d'expliquer comment le néolibéralisme s'est emparé de l'espace des possibles politiques, et comment la version la plus autoritaire et conservatrice du néolibéralisme a pu triompher dans un certain nombre de pays.
Tout sauf le produit d'une évolution naturelle du capitalisme, la mise en place de la globalisation néolibérale a été le résultat d'une volonté délibérée de se servir du droit supranational comme arme de dissuasion contre toute politique nationale contraire à l'ordre du marché.
Relire le néolibéralisme sous l'angle de la rationalité stratégique et de la violence qui lui est intrinsèque, c'est remettre en question son interprétation théorique comme ensemble de doctrines ou positions purement idéologiques, et c'est par conséquent analyser le terrain sur lequel il se déploie et qui n'est autre que celui d'une lutte sociale et politique pour imposer sa domination.
La violence d'État contre les gouvernés n’est certes pas chose nouvelle. Elle est histoire même de l'État, n’en déplaisent à ses thuriféraires.
Si le néolibéralisme de gouvernement a réussi à s'imposer comme une force jusqu'ici irrésistible de transformation de la société, c'est grâce a son dédoublement en une version réactionnaire de droite et une version moderniste de gauche.
Le néolibéralisme comme entreprise théorique s'est construit autour d'une délégitimation constante de la “démocratie de masse“, conçu comme un obstacle qu'il fallait surmonter. Envisager comme pratique politique, il a consisté à tester une large gamme de moyens visant à la neutraliser.