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Critique de madameduberry


Recueillis et mis en forme par Sophie Blandinières, ces souvenirs doivent sûrement beaucoup à la verve spontanée de Jean-Pierre Darroussin. Si vous connaissez le film de Jean-Marie Poiré, Mes meilleurs copains, vous aurez l'impression d'en lire quelques chapitres inédits, quand Darroussin décrit sa vie communautaire avec sa bande d'amis du Chapeau Rouge. Groupe de potes vivant de petits boulots parfois stupides ( colleur d'enveloppes dans un bureau de la Défense, surveillant de port du bonnet de bain en piscine, job nettement moins glorieux que Maître -nageur, et donc nettement moins rétributif en espèces sonnantes comme en conquêtes féminines..) ou encore d'expédients (traffics en tout genre, rapines ..) ou encore militants ccopératifs, distribuant la presse de droite à titre payant le jour, et à titre gratuit, la nuit, pour Libé, enfin tout à fait clandestinement pour La Cause du Peuple.
Enfin, il est acteur, et un bon, passé par le cours Florent, puis la rue Blanche, et enfin, le Conservatoire , parcours le long duquel il rencontrera Ariane Ascaride et Catherine Frot, la copine et complice de ces années de formation. Si on examine la carrière de Darroussin, on s'aperçoit qu'il a toujours évolué au sein d'une bande de copains d'enfance , ou d'amis plus tardifs très proches. Et on comprend mieux pourquoi en découvrant le récit qu'il fait de l'exode rural vécu par ses ascendants, qui survécurent au déracinement grâce à une forme d'entraide communautaire qui fut longtemps la marque de la classe ouvrière et fut un marqueur sociologique un peu différent, mais tout aussi actif que le militantisme communiste . On trouve aussi une description de ce mode de vie "familial" propre aux ouvriers dans Les petits enfants du siècle, de Christiane Rochefort. Ce livre est donc nostalgique, et décrit bien une trajectoire aujourd'hui impossible, entre les racines paysannes, l'aculturation par la ville et l'identité par le travail, les copains, la communauté ouvrière aux ceintures des grandes villes, voire l'ascenseur social des enfants et petits enfants, parfois propulsés par le changement culturel de Mai 68. de fortes figures émergent de l'album personnel feuilleté pour nous par cet acteur sympathique et marrant, qu'on inviterait volontiers à passer prendre un verre à la maison. Son père d'abord, qui prit à 75 ans (!!!) sa retraite d'étameur, mais par choix et non par obligation, par loyauté vis à vis de son collègue plus jeune, mais aussi par amour de la belle ouvrage, et surtout de l'espace communautaire, plus large que le tête à tête conjugal, qu'il semble avoir toujours fui malgré son amour pour une femme au foyer dont il dit finalement avec une cruelle inconscience qu'elle ne manqua jamais de rien . La grand-mère maternelle, qui lui offrit les livres qui comptent: les albums de Tintin et le dictionnaire Gaffiot, validant par là l'idée qu'il pouvait suivre l'impératif scolaire et réussir socialement par la voie de "l'instruction". Et aussi, en creux, l'aïeul joueur, désinvolte, un peu voleur, un peu tricheur, qui abandonna Paul, le père de Jean-Pierre, avant sa naissance mais lui donna quand même son patronyme, que porte aujourd'hui l'acteur. L'histoire de la transmission antérieure de ce patronyme étant elle-même bien nébuleuse. Comme quoi, il ne suffit pas de recevoir un nom, il faut aussi s'en faire un, chacun à sa façon.
Voilà en tout cas un beau recueil de souvenirs, qui confirme ce qu'on pensait: que des personnes qui ont pu à certains moments de leur jeunesse prendre quelques libertés avec la propriété privée n'en deviennent pas moins de beaux honnêtes hommes, tandis que mais chut, pas de symétrie facile. Que le terreau familial le plus riche est celui de l'affection, de l'admiration, et de la transmission.
Et que le Temps des cerises est une très belle chanson.
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